Captain France contre les robots en plastique: une épopée. Episode 12: l'attaque de la préfecture de Bourg-en-Bresse

(Dans le dernier épisode, nous avons laissé la secte initiatique d'Ernükhl, constituée de cyborgs mêlés de plastique, alors qu'elle avait entièrement remplacé le personnel de la sous-préfecture et de la gendarmerie de Nantua, dans le département français de l'Ain, grâce à ses pouvoirs de transformation, d'imitation et de dédoublement. Même les membres des familles n'y voyaient que du feu.) 

Mais, depuis la sous-préfecture, on préparait la prise de la préfecture, à Bourg. Or, il y avait là une brigade de gendarmerie d’élite – avec à sa tête un certain Dahmoud Détrembières, policier aguerri qui avait œuvré et combattu dans le monde entier, en particulier en Afrique. Il avait affronté les combattants les plus acharnés, et il avait été plusieurs fois décoré pour les services rendus, car il était brave et savait réfléchir tout en agissant avec énergie : il n’avait pas besoin de s’arrêter d’agir pour avoir les idées claires, et n’agissait jamais, à l’inverse, de façon folle et angoissée, en perdant ses moyens. Il était fort, net et précis, pouvait prendre des décisions rapidement, et son intelligence n’entamait en rien son efficacité, ne s’accompagnait d’aucune peur spontanée, comme c’est souvent le cas avec ceux qui ont fait trop d’étude. Il était un gendarme de haute volée, et même en Afrique ses adversaires les plus acharnés, voire les plus fanatisés, le respectaient et le vénéraient, comme jadis avec le Cid les Maures d’Espagne. C’était, évidemment, sa grande fierté, et il avait justement épousé la fille d’un seigneur de guerre qu’il avait vaincu au Mali, parmi les Bédouins. Ce chef de guerre avait tenu à créer ce lien, entre eux. Ensuite il était venu à Bourg-en-Bresse pour se reposer et fonder une famille, avec son épouse ravissante et jeune, qui le regardait plus ou moins comme un dieu. Ne voulant pas se mettre complètement à la retraite, il avait, à la demande du préfet, intégré l’équipe de gendarmes spéciaux en permanence à la préfecture : il leur servait de conseiller.

C’est à cet homme, donc, que devait se heurter la confrérie d’Ernückhl, car lui, on ne le trompait pas : au cours de ses combats, peut-être à la faveur de ses blessures qui avaient éveillé sa conscience à un nouvel ordre de choses, il avait développé une forme de seconde vue, qui lui permettait de sentir, voire de déceler le danger avant qu’il ne se manifeste : une voix le prévenait, parfois même une image d’un être susceptible d’avoir cette voix, et qui avait la tête d’un terrible mamba vert. Il en était surpris, ne sachant pas qu’un serpent pût parler, mais il l’acceptait, car il ne s’occupait pas de savoir s’il devait croire ou non au surnaturel : ce qui lui venait, il le prenait comme un fait, même quand cela traversait la nuit du mystère à la façon d’un éclair. L’expérience lui avait confirmé son don, sans qu’il s’efforçât de l’expliquer, ou même de s’en vanter : il pensait que les autres l’avaient tous plus ou moins, mais que leur vie paresseuse n’avait pas permis son éveil, et que les gens intelligents, parmi eux, aimaient au contraire à se distinguer des autres en contestant tout et n’importe quoi, opposant naïvement la science à la croyance, c’est-à-dire eux-mêmes à la plèbe qu’ils méprisaient. Mais cela n’avait pas d’autre fondement, dans la réalité cela n’en avait pas.

Quand, donc, la brigade de faux gendarmes de la sous-préfecture de Nantua annonça, par un message du colonel Georges Descland, qu’ils voulaient rendre compte au préfet d’un fait grave qui s’était déroulé à Nantua, naturellement la préfète du département de l’Ain, Émilie Sinonville, ne se méfia pas trop : elle demanda juste qu’on lui précisât la nature du problème. Or, le colonel Descland, qui avait mis en copie le sous-préfet de Nantua, Jacques Détemps, répondit qu’il craignait les piratages informatiques, et même l’espionnage téléphonique, malgré les précautions prises pour créer des lignes complètement sécurisées, et qu’il pouvait seulement évoquer des rumeurs voire des révélations d’imposture et de vols d’identité au sein de la préfectorale, et qu’il voulait absolument en parler directement à Madame la Préfète. Celle-ci, ne voyant pas d’opposition, quoique surprise par l’idée que les lignes sécurisées ne fussent pas si sûres, lui accorda un rendez-vous, et prévint Dahmoud Détrembières, homme auquel elle se fiait sans restriction, pour qu’il fût présent à la réunion.

Le 13 mars 2016, peu après deux heures de l’après-midi, la voiture du colonel Descland, conduite par le brigadier-chef Kévin Lancelin, entra, suivie par un fourgon contenant sept gendarmes, par la grille de l’hôtel de la préfecture du département de l’Ain, situé 45, rue Alsace-Lorraine à Bourg-en-Bresse. Le rendez-vous avait été fixé à deux heures et demie exactement, et le colonel Descland avait annoncé vouloir venir un peu avant pour prendre un café avec son homologue de Bourg-en-Bresse, le général de brigade Denis Marigot. En réalité, celui-ci ne le vit absolument pas, et, jusqu’à deux heures et demie, le colonel Descland demeura introuvable : aussitôt qu’il était sorti de sa voiture de fonction, une belle 408 Peugeot noire, il avait disparu dans le bâtiment, et on ne savait où il était allé. On supposait que, pris d’un malaise, il s’était rendu aux toilettes.

À quatorze vingt-huit, néanmoins, suivi de son brigadier-chef lui servant de chauffeur et  de garde du corps, il se présenta à la porte du bureau de la préfète, laissant son aide de camp y frapper. À l’invitation de Mme la Préfète, la porte fut poussée, et le colonel Descland entra, un sourire aux lèvres. Mais aussitôt qu’il le vit, Dahmoud Détrembières poussa un cri.

(À suivre.) 

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