Almanach des Pays de Savoie 2025: Patrick Modiano, Louis Dimier et quelques autres

Comme chaque année depuis je ne sais combien de temps, L'Almanach des pays de Savoie des éditions Arthéma publie cette fois encore, en prévision de 2025, deux articles sortis de mon clavier (je n'écris plus à la plume depuis longtemps). L'un porte sur Patrick Modiano, son séjour à Thônes et à Annecy et ce qu'il en transparaît dans ses œuvres, l'autre sur le critique d'art Louis Dimier, un intellectuel remarquable, dont le père était originaire de Tarentaise et qui s'y installera à la fin de sa vie: bien que profondément croyant, et même foncièrement catholique, il avait quelque chose d'anarchiste qui l'opposera bientôt à Charles Maurras, d'abord son maître. 

Il ne voulait pas mêler l'inspiration artistique à la Nation ou à la Religion, et, d'un autre côté, il la disait toujours liée au Saint-Esprit, même chez les laïcs. Cette théorie de l'artiste voyant devait évidemment beaucoup à Joseph de Maistre, laïc qui s'attribuait les prérogatives prophétiques qu'autrefois on voulait réserver aux prêtres. Elle s'appuyait sur le cœur de la spiritualité catholique, qui somme toute est la Pentecôte et la descente des langues de feu sur le front des apôtres - même si la théologie officielle met en avant des systèmes moraux qui en réalité existaient déjà chez les Romains, ou même chez les Gaulois nos ancêtres supposés - et jusqu'aux Francs et Burgondes en avaient qui en valaient bien d'autres, comme on dit. Le problème est la spécificité humanisée de l'inspiration spirituelle, exprimée ensuite par saint Paul. François de Sales la liait bien à l'art, à la peinture, à la sculpture, à la littérature, et Dimier ne faisait qu'en renouveler la tradition.

On trouve, dans ce numéro 26 de L'Almanach des pays de Savoie, d'autres articles passionnants. Je salue en particulier celui de mon amie Martine Marsat, docteure en sciences de l'éducation et poétesse lyrique à la gloire fréquente de la Savoie et du Rêve: il porte sur Béatrice de Savoie, dame et muse des poètes et des princes, comtesse de Provence restée célèbre.

On trouvera également une évocation de la dernière sorcière brûlée à Genève, qui était une Savoyarde de Boëge, alors en Faucigny: elle faisait l'amour hors du cadre légal et aurait eu des talents de guérisseuse. Elle avoua, sous la torture, avoir reçu un baiser du diable, apparu à elle sous la forme d'une ombre. Vous savez peut-être que l'auteur de ce blog a des ancêtres également condamnés pour sorcellerie et lycanthropie, mais à Chambéry, et que ces grands magiciens qui faisaient neiger à volonté et se transformaient en loups étaient pareillement originaires du Faucigny. Terre de prodiges, apparemment. C'est d'ailleurs là qu'on trouve le massif du Mont-Blanc.

Et puis L'Almanach des pays de Savoie présente le Théâtre Royal de Chambéry, inauguré par le roi Charles-Félix en 1824 dans le grand mouvement de restauration culturelle du duché de Savoie: je n'en ai pas trop parlé dans ma thèse, car on n'y a pas joué de pièces très romantiques, ni même particulièrement originales. Pour l'histoire littéraire, c'est surtout là que fut chanté pour la première fois, en 1856, l'hymne de La Liberté, dit des Allobroges, devenu celui des Savoyards ensuite: il a été écrit par Joseph Dessaix, et intégré à une pièce satirique amusante, qui dénonçait la façon dont les Suisses s'appropriaient le mont-Blanc et les Français se moquaient stupidement des Savoyards, dont ils étaient jaloux. Aujourd'hui l'excellence savoisienne est sans doute mieux reconnue, elle est maintenant plutôt à la mode.

On trouve encore d'autres belles choses dans ce magazine, mais je ne peux pas les énumérer toutes. Je vous recommande simplement de l'acheter, il est disponible dans tous les kiosques! 

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