Captain France contre les robots en plastique: une épopée. Episode 9: amours d'un monstre

(Dans le dernier épisode, Marie-Sol Toclun, ingénieure en matière plastique, a eu la surprise de voir son être artificiel en cette matière prendre visiblement conscience, après avoir pris vie.)

Alors, en français, le monstre articula quelques mots : et sa voix était à la fois gluante et sourde, obscure et animée de haine, traversée de flammes sombres, d’impulsions nées au cœur des ténèbres. « Femme », dit cet être horrible, « femme, tu es belle. Mais me serviras-tu ? »

Elle le regarda encore, et il sourit d’un sourire immonde, qui la dégoûta. Il l’approcha encore, et elle sentit son haleine sentant le plastique chaud, mêlé d’on ne sait quel soufre. Il plaça son visage près du sien, comme s’il voulait l’embrasser. Elle détourna la tête en fermant les yeux. Et sentit la main gauche du monde saisir sa main droite et la porter à sa bouche. Elle se débattit, secoua ses doigts. Il la laissa partir, et éclata de rire.

Soudain il fit mine de saisir le haut de sa chemise, et elle eut peur qu’il n’en arrachât les boutons d’un coup et ne découvrît ses seins, qu’il eût cette perverse audace. Mais s’il en eut l’intention, il se ravisa. Il abaissa lentement son bras droit, et laissa les pieds de sa créatrice toucher le sol. Terrifiée, elle n’eut pas la force de se tenir debout. Ses genoux plièrent, et elle fût tombée, s’il ne l’eût aussitôt rattrapée en la soutenant par les bras, sous lesquels il avait placé les siens. Il la renversa, la porta dans ses bras puissants, et s’en fut la déposer sur son lit, pour qu’elle se reposât.

Quelles étaient ses intentions ? En vérité, comme il était nu, Marie-Sol avait pu voir sa puissante virilité, et la force de son désir : s’il n’avait écouté que ses pulsions, il l’aurait violée à coup sûr. Elle en était épouvantée, et de voir la taille et la force de son organe la plaçait dans un vertige affreux. Mais il avait, apparemment, dominé son désir pour on ne sait quels desseins secrets, et elle en fut touchée, et étonnée, mais sans savoir si elle devait s’en réjouir ou s’en inquiéter : car elle se réjouissait qu’il ne l’eût pas violée, mais elle se demandait ce que cela cachait, ce qu’il attendait d’elle. Certainement, s’il ne l’avait pas dénudée et outragée, c’est qu’il avait un but, qu’il avait un plan ! Elle se laissa poser sur le lit, inerte et épuisée, et ferma les yeux en gardant en mémoire ce terrible organe levé, qui aurait pu la déchirer d’un mouvement ou de quelques-uns seulement. Des tics nerveux secouèrent son visage et ses membres, et elle sombra dans l’inconscience.

Lorsqu’elle s’éveilla, le monstre était invisible : mais son odeur de plastique chaud planait jusque dans la chambre qu’elle s’était ménagée dans son laboratoire. Et elle entendait quelques bruits, comme d’un corps qui se mouvait calmement, et de doigts tapotant des touches d’ordinateur. Prudemment elle se leva. Se dirigea vers la sortie de sa petite chambre. Et elle vit, lui tournant le dos, assis à son bureau, devant l’écran d’ordinateur allumé, dont l’éclat et les couleurs se reflétaient sur son visage en plastique, presque diaphane, presque transparent. Il regardait des données qu’il faisait défiler, et elle s’en étonna : comment, à peine né, pouvait-il déjà se servir de cet appareil ?

Des pensées fulgurèrent dans son cerveau, et elle crut reconnaître les mots du monstre, quoiqu’elle n’entendît aucun son : elle le sentit parler. Elle comprit, instantanément, qu’il avait la faculté de lire dans ses pensées à elle, et qu’il partageait ses connaissances. Comment était-ce possible ? Elle devina, sans attendre, que ce monstre était habité par un être de vapeur qui l’avait habitée elle aussi, et qui avait pris connaissance de ce qu’elle savait ! Aussi étrange cela paraisse-t-il, c’était la seule explication possible.

Elle s’approcha, posa la main sur l’épaule du monstre. Il tourna la tête, regarda la main. Elle la déplaça, la mit sur sa nuque, comme attirée malgré elle par sa puissance. Elle regarda par-dessus lui : son érection revenait, puissante. Il la regarda, de ses yeux flamboyants, levant la tête. Elle se pencha, et l’embrassa. Sa bouche était chaude, molle et forte à la fois. [La suite immédiate ne pourra être publiée que sur papier, à cause de la possibilité d’un large public de lire un récit en ligne. Le récit reprend quand les deux amants attendent assis sur le canapé rouge du laboratoire de reprendre la force de parler.]

Elle s’assit, se détendit, le regarda, et dit : « Qui es-tu, vraiment ? »

Il sourit : « Te le dire m’est impossible, charmante Marie-Sol. Mais sache que l’un des rêves les plus chers à ceux de mon peuple est d’être aimés de filles des hommes telles que toi, et d’avoir la possibilité de les prendre dans leurs bras.

– Vraiment ? » répéta Marie-Sol, ne comprenant pas ce qu’il voulait dire. « Mais quel est ce peuple ? Êtes-vous des extraterrestres ? » 

Le monstre rit. « En un sens, oui ! » répondit-il. Car nous venons bien d’une autre planète, mais n’avons plus de corps : nous errons, pour en chercher un. Et nous le faisons sur Terre, où quelque événement ancien nous a placés et bloqués : nous ne pouvons plus sortir de son atmosphère ! Je t’expliquerai cela plus tard. Pour le moment, je voudrais t’embrasser. » Il joignit le geste à la parole. Et sa vigueur revint. [Une seconde coupure doit être effectuée ici pour la version en ligne. Ceux qui veulent tout savoir devront acheter la version imprimée.]

A suivre.

Comments

Popular posts from this blog

Almanach des Pays de Savoie 2025: Patrick Modiano, Louis Dimier et quelques autres

Une élégie pour mes chats

Le genre de la philosophie mythologique: un oublié de la critique littéraire