Captain France contre les robots en plastique: une épopée. Episode 2: l'opération occulte

Dans l'épisode précédent de cette série, l'ingénieure Marie-Sol Toclun était dite avoir créé un laboratoire dans son entreprise de plastique du Bugey, afin de créer un nouvel homme, fait entièrement de plastique!

Il va sans dire que la formule mathématique de la vie organique au sein d’un corps en plastique indestructible avait été soufflée à Marie-Sol Toclun par son maître et amant Antoine de Roquefranque : sans vouloir entrer dans leurs relations intimes, qui ne regardent qu’eux - ils s’échangeaient des secrets sur l’oreiller. Elle adorait l’écouter pendant qu’ils faisaient l’amour : il lui parlait de science, d'échographies, de patientes échevelées, d’électrocardiogrammes, et voici que sa volupté, à elle, en était accrue.

Cependant cela avait un but. Elle l’avait attiré dans son lit aussi pour ses expériences, parce qu’elle pensait qu’elle pouvait obtenir de lui des moyens de succès inconnus ; et il en était conscient. Dans sa main, elle recueillait la semence de l’aristocrate genevois, pour la déposer dans des sacs étanches et la mêler plus tard au plastique en fusion, attendant la rencontre heureuse entre l’organique et le plastique. Il aimait lui rendre visite régulièrement au laboratoire – afin, disait-il à son entourage, de l’aider dans ses recherches fondamentales, mais cela s’accompagnait d’une participation à des rituels sexuels par lesquels des secrets pouvaient, selon elle et lui, se révéler. Ils ne faisaient pas l’amour comme des bêtes, au hasard, mais le réglementaient, l’intégraient à un protocole, et leur jouissance n’en était que plus grande.

Marie-Sol se disait que, si elle parvenait à créer dans le plastique animé un être, il serait en quelque sorte leur enfant : le fils d’Antoine de Pierrefranque, noble genevois, et de Marie-Sol Toclun – qui, d’origine paysanne, s’était hissée par son seul travail et son seul génie aux postes les plus élevés. Elle voulait cet enfant sublime, indestructible, doté d’un corps inaccessible au temps – donc entièrement en plastique, matière absolue, divine, incorruptible, du moins le pensait-elle. Et, par le hublot de sa cuve, elle regardait macérer la matière qu’elle avait assemblée, traversée de décharges électriques – et se réjouissait à ce spectacle, car elle sentait qu’une alchimie d’un genre nouveau s’y accomplissait, mêlant science, magie et rituel !

Bientôt la cuve hermétiquement close cessa de vibrer : pour un lave-linge, on eût dit que les draps étaient propres. Un sifflement fit entendre le passage dans les tuyaux de vidange du liquide amniotique artificiel dans lequel le plastique pouvait, selon sa conceptrice, prendre corps et s’électriser. Parfaitement pur, sans tache, ce liquide avait la couleur de l’or, aux yeux de Marie-Sol : ce qui en sortirait serait divin. Encore fallait-il attendre l’apaisement des températures, et la stabilisation de la forme plastique prévue. Les yeux étincelants, figée comme une statue de cristal, la savante auvergnate de naissance attendit sans bouger, regardant médusée sa propre création. 

Naturellement, pour cet enfantement, Antoine de Roquefranque était absent : il n’avait rien à y voir. Marie-Sol serait à la fois la mère et la sage-femme ! Le terme lui plaisait : cela lui allait si bien, songeait-elle.

A suivre.

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