Captain Savoy et ses Captain-Skis, XII : la conclusion d’un combat
Finalement, l’Homme-Taureau, après avoir beaucoup juré, insulté
et menacé ses adversaires et s’être débattu dans les liens d’émeraude qui autour
de lui se resserraient, cessa de bouger : il était épuisé, malgré la puissance
issue des profondeurs cosmiques épaississant ses membres.
Car le fil de Captain Savoy avait été béni par les anges du ciel,
et il ne pouvait être brisé : même la force de Fomal ne pouvait rien
contre lui. Vivant, infini, animé, conscient, il ne cessait de s’enrouler
autour du monstre et de renforcer son le lien sur tout son corps, et le long de
ses pattes lourdes.
Haletant, essoufflé, et les naseaux fumants l’Homme-Taureau
regarda ses adversaires, eux aussi arrêtés dans leurs mouvements : ils se
tenaient debout devant lui, sans rien dire, immobiles.
Les yeux du monstre, gros et noirs, jetèrent des flammes de
vengeance, épouvantables : on y voyait se tordre ses ennemis dans d’atroces
souffrances. Mais ce n’était là que son songe : Captain Corsica et Captain
Savoy ne firent qu’en hausser les épaules. Splendides dans la victoire, ils
demeuraient imperturbables.
Ils se regardèrent, et se comprirent. Ils se saisirent de l’Homme-Taureau,
le prenant par les épaules et les pieds, et essuyèrent une nouvelle salve d’injures
menaçantes. Mais ils n’en eurent cure. Captain Savoy tendit son doigt majeur,
et voici ! un pont d’émeraude vert se créa, qui les porta : car de
lui-même il avançait.
Ils rejoignirent rapidement les elfes, qui, pendant leur
propre combat contre Fomal, avaient fait fuir ses orcs : les derniers
combattants, voyant la chute de leur maître, avaient tourné les talons et, d’épouvante,
avaient sauté dans le vide au bord de la route d’arc-en-ciel. En bas, des
gueules gigantesques étaient sorties du sombre brouillard et, grandes ouvertes,
avaient accueilli le corps hurlant des démons, des méchants, des gnomes hideux
qui avaient cru pouvoir seconder Fomal.
Captain Savoy et Captain Corsica s’apprêtaient à placer l’Homme-Taureau
dans le vaisseau spatial du second, mais, à ce moment, ils s’entendirent héler
de derrière. Et la voix qui les hélait était si étrange ! Si pure, si lointaine,
si noble à la fois ! Elle était comme un flot immense, une vague, presque
un tonnerre. Et ils se retournèrent et virent trois chevaliers de lumière,
montés sur des chevaux de lumière. Et ils approchaient, et, quand ils furent à
leur hauteur, ne dirent rien, mais montrèrent, d’un geste d’autorité, l’Homme-Taureau.
Et leur visage était transparent et Captain Savoy et Captain Corsica ne
voyaient qu’avec peine leurs yeux étincelants, dans la lumière générale de leur
corps, et quelques traits qui semblaient se tracer comme de rapides flèches de
clarté vive, plus dorée encore que le reste de leur corps.
Mais ils virent le geste, et le comprirent. Et ils
laissèrent l’Homme-Taureau, qui gémissait à la présence de ces êtres. Et
Captain Savoy retira d’un geste le fil d’émeraude qui le liait. Et voici, de l’être
qui se tenait au milieu, parmi les trois, jaillit un bras long qui semblait à
la fois un tentacule de lumière et un lasso d’or, et rapidement l’Homme-Taureau
y fut enroulé, et aussitôt les trois chevaliers clairs firent demi-tour, et s’en
furent au grand galop vers l’énorme soleil d’or qui s’arrondissait au bout de
la route d’arc-en-ciel.
Et quand effectivement ils furent au bout, ils bondirent
vers le Soleil d’or, et y disparurent. L’Homme-Taureau était suspendu dans l’air
au bout du bras-lasso, et il y disparut à son tour en poussant un long cri d’épouvante :
brièvement son ombre se vit à l’intérieur du globe énorme, puis elle s’effaça,
dissoute dans la lumière dorée de l’immense boule. Le hurlement de douleur ou
de peur cessa, et Captain Savoy et Captain Corsica restèrent cois un bref
instant, cherchant à percer ce mystère.
Puis, soupirant, ils montèrent dans le vaisseau spatial de l’ange
de la Corse, et les elfes de Savoie les suivirent. Ils s’envolèrent, et
regagnèrent la terre des Hommes, où ils vivent leur destin, triste ou heureux
selon les cas.
Que dire de plus ? Captain Savoy invita Captain Corsica
à un grand banquet dans sa base du Grand Bec : il y invita plusieurs de
ses disciples non alors en mission, et la fée Tsëringmel et ses principaux
serviteurs elfiques ; le roi des Nains du Grand Bec et ses proches furent
également invités, pour faire honneur à Captain Corsica.
On rit beaucoup, et on se promit de rendre visite à Captain
Corsica dans le royaume de Cyrnos, sur son île de beauté. Puis, parce qu’il
faut bien que les choses aient une fin, Captain Corsica s’en fut, emmenant ses
skis avec lui. Et on le salua longtemps, le voyant glisser sur la mer de nuages
vers le sud, puis dans le ciel bleu comme une joyeuse comète. Et Captain Savoy
fit réparer, polir et farter ses propres skis, qui devinrent après cela plus
brillants que jamais.
Et il est temps de finir ici cette aventure, car nul ici ne
sait ce qu’il devint de Fomal, l’Homme-Taureau, après ces événements étranges.
Il ne fut plus jamais question de lui durant cette ère du monde, et les autres
aventures de Captain Savoy, que nous raconterons plus tard, ne le contiennent
pas. Aussi faut-il ici s’arrêter. Que les anges vous gardent.
FIN
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