Cross-over de l’Histoire mystérieuse de Ramiel de Saint-Génys et des Contes et légendes de super-héros d’Europe : la vision terrestre du Père Noël et du monstre qui l’a enlevé à Genève

Il y a quelques années, sur mon blog Savoyard de la Tribune invité de la Tribune de Genève, j’ai raconté, pendant les périodes de Noël, plusieurs mésaventures du Père Noël – volontiers enlevé par des esprits malfaisants, et puis libéré par des génies bienveillants, aimant l’humanité, et l’ordre étoilé !

Quand le quotidien genevois a décidé de supprimer ses blogs, je me suis retrouvé privé d’un moyen d’expression, mais ces aventures merveilleuses liant la tradition aux super-héros ont attiré l’attention de plusieurs éditeurs - et l’un d’entre eux en a d’ores et déjà publié un recueil : c'est la Force G, de Saint-Etienne, avec le premier volume de mes Contes et légendes de super-héros d’Europe. D’autres suivront !

J'y ai raconté notamment la véridique histoire de l’enlèvement du Père Noël à Paris et de son enfermement dans la tour Eiffel. J'y ai, également, raconté l’enlèvement du Père Noël par un démon du glacier des Bossons, alors qu’il survolait le mont-Blanc. Mais il me reste à publier, entre autres contes fabuleux, l’enlèvement du Père Noël par le démon qui habite la flèche de la cathédrale de Genève – qui s'y est glissé à la suite de je ne sais quelle négligence. Cette église en effet fut bâtie précisément pour bloquer la sortie empruntée autrefois par les démons, qui vivent sous terre, dans l'insondable abîme : elle est pour eux un verrou. Mais l'impéritie des contemporains a laissé sa surveillance à l'abandon, et voici ! un mauvais esprit en est sorti, qui a pris logis dans la flèche de la cathédrale. Et un soir, de ses longs tentacules d'ombre, il s'est emparé du Père Noël, alors qu'il survolait la cité de Calvin pour y distribuer ses cadeaux ! Je l'ai raconté sur le blog dont j'ai parlé, mais il reste à le publier en volume.

J'ai entrepris, par ailleurs, de raconter ici, pour la première fois, la vie étrange et mystérieuse de Ramiel de Saint-Génys, poète suisse maudit. Or, il se trouve qu'il a assisté au prodige auquel je viens de faire allusion, l'enlèvement du Père Noël dans le ciel de Genève ! Les séries que je raconte ne constituent en effet qu'un seul monde : il ne s'agit pas de fictions séparées les unes des autres par le temps de leur création, ni par l'espace occupé par les livres où elles sont publiées. Pas du tout. C'est ce que les Américains nomment un cross-over. Oui, Ramiel de Saint-Genys est susceptible un jour de rencontrer Captain Savoy, ou Captain France, ou le Génie doré de la Liberté, ou n'importe quel saint du Ciel decendant des étoiles pour répandre sur les mortels leurs bienfaits. Il en est ainsi !

Cette vision de Ramiel de Saint-Génys s'est passée de la façon suivante. Alors qu'il errait dans les rues de sa chère cité de Genève, triste de voir sa décadence, ou ce qu'il croyait tel, il levait souvent les yeux vers le ciel, entre les immeubles de la vieille ville, pour scruter les rares étoiles qui parvenaient à se montrer entre les nuages amoncelés et les lumières électriques de la ville : car il faisait nuit. C'était le 24 décembre 1988 et il faisait froid sans qu'on pût attendre de neige pour autant. Les rues étaient luisantes d'humidité, et la Lune parvenait à envoyer quelques rayons entre des nuages qu'elle rendait verdâtres. Ramiel de Saint-Génys vivait seul, sa mère, qu'il chérissait plus que tout, était déjà morte, et il pleurait son isolement et sa déchéance, son abandon et son bannissement de la bonne société de la ville : il était poète, et il était poète maudit. Il se languissait des temps anciens de Genève, chantait ses héros défunts, et personne ne voulait l'entendre. Il errait donc à la recherche d'une lumière, d'une clarté, dans la partie vieille de la cité de Calvin, espérant la rencontre d'un fantôme miraculeux. Et de temps en temps il levait les yeux, espérant un signe, un doigt de Dieu pointé vers lui, ou pour lui.

Soudain, son attention fut attirée par une clarté plus grande qu0e les autres. Etait-ce un avion ? Un hélicoptère ? Non : à sa grande stupéfaction, il s'aperçut que c'était le traîneau du Père Noël, laissant derrière lui une traînée d'étincelles ! Des elfes armés se tenaient aux côtés de saint Nicolas derrière les rennes blancs munis d'ailes, escortant le patron vénéré des enfants. Et c'est alors qu'il advint quelque chose d'horrible. 

Sous les yeux de Ramiel de Saint-Génys trois tentacules de ténèbres surgirent de la flèche de la cathédrale Saint-Pierre et s’emparèrent du traineau lumineux, l'enserrant dans des bras infernaux qui promettaient de le réduire à néant. En vain les deux elfes qui escortaient le Père Noël sortirent leurs épées fines et les abattirent à répétition sur les terribles bras noirs : ils ne lui firent pas plus de mal que des coups d'épingle sur la peau d'un éléphant, et les tentacules semblèrent plutôt vibrer de plaisir en absorbant leurs coups répétés, comme s'ils contenaient une énergie dont ils se nourrissaient, et qui les renforçaient.

Faisant tournoyer le traîneau dans les airs en folie, ces bras l'attirèrent dans la flèche de bronze où vivait Mérérim le Démon, et rien ne put être fait contre ce kidnapping. Bientôt la clarté rutilante de saint Nicolas, rouge et blanche comme c'est connu, fut enfoncée dans les ténèbres de la flèche de bronze, verte et obscure ! 

Puis, sous les yeux encore ébahis de Ramiel de Saint-Génys, plusieurs héros y vinrent écarter les ténèbres, pour retrouver cette clarté perdue, et la saisir et la rendre au monde !

Car, dans un éclair blanc et pur que parcouraient cependant des feux bleus, l’Homme-Cygne, immortel gardien de Genève, se précipita alors dans la flèche de la cathédrale, le premier. Ramiel le vit se battre avec le démon tentaculaire, et des nuages d’étincelles et des boules de couleurs flamboyantes jaillir, comme un feu d’artifice, de la cathédrale devenue champ de bataille. 

Il a bien vu tout cela !

Il a même vu, ensuite, Captain Savoy surgir depuis Annecy, au sud, comme un météore de gueules à croix d’argent, et venir secourir son ami l’Homme-Cygne : il l’a vu apparaître par-dessus le Salève, étoile vivante, homme-astre au regard de foudre, il l’a vu comme je vous vois, comme on voit devant soi ses propres mains. Il en a même fait, voici ! un poème :

Oui, j’ai vu, j’ai vu, oh ! des héros sidéraux,
J’ai vu des sillons d’or et d’argent, météores
Vivants et dotés d’âme – et voici, ces héros,
Ces héros recevaient, des astres qui colorent,
Des éclairs qui servaient à leurs mains d’armes pures,
Qui leur servaient d’épées, qui leur servaient d’écus,
Et je les ai vus tous venir d’ères futures
Où les mortels changés par les malheurs vaincus
Seront presque pareils à des êtres du ciel !
Vers Genève accourant, puis vers sa cathédrale,
Ils ont vaincu le monstre au regard plein de fiel
Dont Nicolas le saint, depuis sa loge astrale,
Avait offensé l’œil amateur de laideurs.
Les sabres de lumière ont croisé sous mes yeux
Leurs foudres qui jetaient d’incroyables couleurs,
Et le bien abattit l’âcre mal grâce aux dieux !

On ne dira pas que ce poème est merveilleux d’élégance et de dignité, et j’en ai connu qui ont quitté leurs maris parce qu’ils en composaient de ce genre : elles ne voulaient pas avoir honte de paraître avec eux en public, et qu’on rie en leur présence. Qu’à cela ne tienne, il a au moins le mérite d’être sincère, et Vincent Van Gogh n’avait pas beaucoup de succès auprès des dames non plus : son style, sauvage, était pareillement jugé trop plébéien.

Naturellement, Ramiel de Saint-Génys n’est pas Van Gogh, même en poésie, mais c’est pour dire : l’opinion d’autrui, même des gens les plus beaux et les plus élégants, ne peut pas être définitive ni servir de dogme à qui que ce soit. Il ne s’agit que d’opinions et lorsqu’elles sont partagées par ces gens chics et élégants, c’est juste gênant pour le pauvre poète, ou le malheureux peintre. Cela ne change rien au fond. L’âme de Van Gogh brille au ciel, portée au firmament par l’enthousiasme des foules coupables de l’avoir négligé de son vivant, et cherchant à étouffer leur mauvaise conscience, comme dit la Bible pour les prophètes, en l’enterrant glorieusement – en compensant, par l’excès de leurs hommages artificiels, leur mépris antérieurement affiché.

Ramiel vit ensuite le Père Noël libéré répandre à nouveau ses cadeaux, laissant de sa main tomber des dons éclatants, ainsi qu’il me l’a dit. Sur tous les foyers, signés par les cheminées visibles, il délivrait ses bienfaits, heureux de faire plaisir et de réjouir, lui, le saint patron des enfants !

De tout cela Ramiel de Saint-Génys fut le vrai témoin – et il m'en a fait part, grâces lui soient rendues !

C'est lui, l'homme qui susurrait à mon oreille ces histoires extraordinaires que j'entendais comme en rêve. C'est lui, l'autre je qui me dévoilait dans l'obscurité de ma conscience la fable merveilleuse de Genève et des grands hommes. C'est lui, mon cher double par qui je voyais des choses autrement impossibles à voir. Et si, quand je dormais, quelque fée me chuchotait à l'oreille d'autres secrets, c'est Ramiel de Saint-Génys, encore, qui, par quelques mots bien choisis, ou d'étranges clins d'œil, des signes singuliers de la main, faisait resurgir d'un coup tout ce que j'avais oublié, enfoui comme au fond du songe ! Je le raconte ensuite, car j'y ai du plaisir, persuadé qu'un sens caché s'y trouve, quoiqu'il soit aussi caché de moi-même. C'est le principe de la féerie : si on prépare le sens, si on l'intellectualise, on le réduit. C'est ainsi.

Je terminerai sur une citation que j'ai vue traîner sur Facebook, elle est de Reiner Maria Rilke : Au fond, le seul courage qui nous est demandé est de faire face à l'étrange, au merveilleux, à l'inexplicable. Comme c'est beau ! Oui. Cela fait peur. Inutile cependant d'invoquer la raison, ou l'utilité pratique, pour s'en garder : car c'est dans la féerie elle-même que se trouve la solution. Nulle part ailleurs, hélas !

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