La fête des saints en poésie, ou la nostalgie et le renouveau de la mythologie chrétienne

 En ce jour de la Toussaint de l'année 2024 de l'ère chrétienne, je voudrais d'abord rappeler que Jésus-Christ n'était ni un roi ni un héros au sens antérieur, de sorte que les fêtes qui le commémorent, et qui commémorent ses disciples, n'ont pas la même portée que les fêtes qui pouvaient être aux mêmes dates auparavant. Le prétendre, c'est comme dire que la fête du 11 novembre ne fait que recycler la Saint-Martin. Or, saint Martin n'a participé à aucune guerre, cela n'avait strictement rien à voir.

Par ailleurs, je voudrais mettre ici des poèmes que j'ai consacrés à des saints. D'abord, le bienheureux Pons de Faucigny, qu'on a dit factice parce qu'il ne serait pas de la famille des seigneurs du Faucigny. Mais son tombeau assurait qu'il avait bien fait des miracles, et il se trouve bien en Faucigny. Depuis qu'il est mort, il protège le Faucigny depuis les étoiles, et tout particulièrement la vallée du Giffre, sur laquelle il rayonne. Les eaux du Giffre en portent la lumière, qu'elles apportent à l'Arve, puis au Rhône, éclairant de ses chatoiements sublimes la Savoie, Genève et la France.

Le journal La Voix des Allobroges, créé à Chambéry par Brice Perrier qui a à présent du succès à Paris par des livres sur la recherche scientifique, m'a fait tenir une chronique poétique sous le nom de Charmeur giffriote, bien sûr choisi par moi, mais créé à sa demande. Je devais mettre en vers des légendes savoyardes. Tous les poèmes créés alors ont été placés dans mes Chants et conjurations, paru aux éditions de l'Œil du Sphinx en 2020. On y trouve aussi une ode pour François de Sales, comme de juste. Le poème sur Pons de Faucigny est disponible en ligne, mais je le remets ici: 

Il faut cliquer sur l'image pour la voir grande et le texte lisible.

J'ai, plus récemment, écrit un poème sur un autre saint, fêté en Suisse à la fin de l'été: Nicolas de Flüe, qui a participé à la fondation en plusieurs étapes de la Confédération helvétique par ses sages conseils, et qui est également l'auteur de nombreux miracles supposés. Il a été attaqué, on ne sait pourquoi, par des rationalistes militants qui n'aiment pas le merveilleux, et qui reprochaient à des disciples de Rudolf Steiner de l'aimer. Comme j'aime beaucoup saint Nicolas de Flüe (sur lequel mon ami Galliano Perut, poète genevois d'origine italienne, a écrit tout un drame splendide), j'ai voulu composer, à cette occasion, une série de huitains qui finalement sont devenus une petite ode:

On accuse les disciples de Rudolf Steiner d'avoir constitué une secte, et on en donne comme preuve qu'ils aiment les saints catholiques: la logique en est surprenante. Cela veut bien dire que le catholicisme est aussi une secte, que toute religion est diabolique pour les rationalistes militants qu'apprécie le gouvernement français.

Je finirai par un livre où j'ai évoqué les saints d'une manière nouvelle, pour alimenter et renouveler ce que Joseph de Maistre appelait la mythologie chrétienne et que j'aime beaucoup: le premier volet de mes Contes et légendes de super-héros d'Europe, titré Introduction aux super-héros révélés au monde, et qui débute par le récit de la naissance et des premiers exploits de Captain France, avatar de Lancelot du Lac à maints égards, mais qui a aussi un rapport avec saint Louis, roi gaulois. J'ai voulu montrer que les saints ont été transfigurés en super-héros par la grâce du Seigneur, soit après leur mort sublime, soit de leur vivant même, parfois - et alors ils renouent avec les héros antiques, qui ne vivaient, certes, pas aussi pleinement la mort que le premier de tous les saints chrétiens, Jésus-Christ lui-même, bien sûr. Le christianisme a aussi vénéré des rois, pas forcément les plus puissants, mais ceux qui avaient montré des vertus spécifiques. Cependant, la tradition latine a fait que le culte des héros, s'ils étaient chrétiens, s'est poursuivi: Dante en a parlé, regrettant en fait que l'empereur Constantin soit placé au paradis dans la sphère de Mars, ou émettant en tout cas des réserves sur sa sainteté. Il avait moins de restrictions sur Charlemagne, Roland, Godefroy de Bouillon, aussi placés comme êtres lumineux dans la sphère de Mars selon lui. Car, certes, les rois sont des hommes d'action, des hommes de guerre, en principe. 

On dit, cependant, que le patron des guerriers, saint Maurice, est remarquable en ce qu'il ne s'est pas battu quand on l'a martyrisé, alors qu'il était un grand soldat. Il est comme le père des templiers, et lui aussi est dans la sphère de Mars, il en est même devenu paradoxalement la figure centrale. Le refus de combattre, ou l'intériorisation du combat, est devenu l'idée qui anime Mars. On dit (et c'est vrai) que Rudolf Steiner, l'ésotériste bien connu, a placé l'âme de Bouddha dans la sphère de Mars: cela a beaucoup scandalisé. Mais d'y avoir mis, sur le trône d'or depuis lequel la sphère de Mars brille, spirituellement, sur le monde, saint Maurice a exactement la même portée, on lui fait donc encore un reproche de cryptochristianisme. S'il vient du clergé, c'est celui qui déteste la mythologie chrétienne glorifiée par Joseph de Maistre, dernier prophète catholique digne de ce nom, avec Pierre Teilhard de Chardin.

Dans mon livre, j'ai évoqué saint Louis, sainte Geneviève, patronne de Paris, et saint Nicolas, sous les traits du Père Noël: mais il y est bien nommé saint Nicolas à répétition. Il faut le lire pieusement, si on veut s'imprégner de la belle mythologie des saints, telle qu'elle peut être comprise à notre époque dominée par les super-héros.

Il a été édité par la Force G, à Saint-Etienne, au printemps dernier.

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