Une exposition sur les Savoyards d'Argentine à la Cité de l'Eau d'Amphion en Savoie
La Cité de l'Eau, à Amphion (commune de Publier en Chablais, Haute-Savoie), expose actuellement, et jusqu'au 22 novembre, l'histoire illustrée des colons savoyards en Argentine, aux alentours de 1850. Ils étaient tous chablaisiens, sauf ceux pour ainsi dire qui étaient valaisans, mais en réalité le Valais francophone était autrefois une partie du Chablais. Le continent américain faisait rêver, mais les Savoyards sont allés en Amérique du Sud, la plupart du temps, même si on parle de quelques-uns qui sont allés en Louisiane.
C'était une épopée, une série d'actes qui sortaient des habitudes, de décisions particulières, et c'est ce qui est beau, cela relève de l'aventure. Les Savoyards se sont installés dans la pampa, et ont élevé des vaches, toute sorte d'animaux. Ils ont appris l'espagnol mais ont conservé la tradition de leur langue propre, ainsi représentée sur le continent américain. Cela fait, également, qu'il existe dans le monde des savoyardophones dont la langue officielle est l'espagnol, en plus du français et de l'italien (en Val d'Aoste et dans la vallée de Suse). Les universitaires appellent cette langue le francoprovençal, néanmoins: on le parle aussi dans des régions qui n'ont jamais été sujettes au duc de Savoie, comme le Lyonnais, le Forez, le Dauphiné.
En revanche, cela se recoupe avec les anciennes frontières du royaume de Bourgogne, comme même Gaston Tuaillon l'admettait, en attribuant la présence de cette langue en Val de Suse à l'action du roi de Bourgogne saint Gontran. Cela ne l'empêchait pas de se plier au dogme français en ce qui concerne les langues d'oc et d'oïl: car si Walther von Wartburg les attribuait aux royaumes francs et wisigoths, la doctrine officielle de l'université française, à mon avis d'inspiration politique, était de les attribuer aux conquêtes successives des Romains. Ce qui pour la Savoie n'a aucun sens, car les Allobroges ont bien été conquis dans la première vague et intégrés à la Gaule narbonnaise. Tuaillon assumait la contradiction: il faut bien vivre, comme on dit.
Les Savoyards partis en Argentine ont vécu des drames, ont connu des héros, et si la colonisation de l'Amérique du Nord a créé des épopées en anglais et en français (voir La Légende d'un peuple du Québécois Louis-Honoré Fréchette), d'ailleurs assez belles, on attend l'équivalent pour les "Savoyards de la Pampa"! Sans poésie explicite, néanmoins, l'exposition d'Amphion y pallie.
Il y aura quand même de la poésie, du reste, car les bénévoles qui assurent la permanence de l'exposition y présenteront divers livres sur la culture de la Savoie, dont les miens. Il y aura Portes de la Savoie occulte, sur les épopées savoyardes du XIXe siècle qui n'ont pas présenté les colons d'Argentine, Les Prisonniers du Caucase de Xavier de Maistre que j'ai édité et préfacé, et qui atteste plutôt d'une colonisation individuelle de la Russie, mes Chants et conjurations, où je chante les vieilles légendes savoyardes qui évoquent plutôt la conquête des sommets, avec peut-être bien des colonies dans les Alpes aussi, des colonies d'alpinistes amateurs, d'autres livres encore. On m'a dit que Marc Bron apporterait les livres de l'Institut de la Langue savoyarde, dont bien sûr le célèbre Jam, poète de Samoëns, que nous avons fait ensemble: le dit Jam, ou Jean-Alfred Mogenet, a, lui, été plutôt administrateur au Gabon. Il y a de tout.
Pour moi, j'ai projeté d'émigrer en Amérique du Nord, plus précisément aux Etats-Unis, mais ce projet a avorté, malheureusement. Ce n'est peut-être que partie remise. Une grand-tante s'y est installée, j'y ai donc des cousins. Elle n'était pas savoyarde du tout, elle était née à Limoges, sa mère était d'une vieille famille de la ville, son père était un juif ashkénaze. La migration des juifs en Amérique est aussi une épopée. C'était un peuple à tendance nomade. Ils délivraient leur sagesse aux nations sans occuper un territoire global distinct. Cela un peu changé avec la création de l'Etat israélien, mais on connaît ses difficultés. La sagesse de mon arrière-grand-père a essaimé en France, à Limoges, puis en Amérique, et je pensais suivre l'exemple de sa fille cadette. Mais elle n'était peut-être pas assez grande.
On me dit que les prix, de toute façon, sont tellement élevés que les professeurs n'y vivent plus très bien, notamment à New York, où je projetais d'aller. En Savoie, j'avais beaucoup de choses à faire. J'ai parlé, il y a deux semaines, de ma conférence à Chamonix sur Lamartine et les Alpes, je l'ai annoncée, elle a eu lieu, et elle a plu. Si j'étais parti à New York j'aurais perdu l'occasion de la faire, et le fait est que j'adore Lamartine.
A présent je travaille sur le récit de voyage de Théophile Gautier en Savoie et en Suisse, je le lis, le relis, et je n'ai jamais vu un style descriptif si beau, si parfait. Autant les romans de Gautier, malgré leur beau style, sont ennuyeux parce que statiques, autant ce récit de voyage est sublime. Ses nouvelles peuvent être sublimes aussi: il travaillait tellement son style que les récits au long cours chez lui manquaient de souffle. Il n'en avait plus pour la narration. Mais je suis heureux, également, d'avoir l'occasion de travailler sur ce récit de voyage, chose impossible si j'étais parti.
Et puis mon père, le fondateur de Le Tour Livres, avec qui j'ai produit tant de livres, est mort en août dernier, et il était important que je fusse là pour m'occuper de lui à ses derniers instants, puis m'occupe avec le reste de notre famille des obsèques, puis de la succession. Je ne pouvais finalement pas partir et c'est aussi bien que ma seconde femme, Maria Noland, y soit allée sans moi, m'ait quitté pour pouvoir s'y rendre, comme c'était son rêve, et comme elle pouvait le faire puisqu'elle est de nationalité américaine. Il n'y avait pas vraiment d'autre solution, je devais rester, et elle ne le voulait pas.
De la même façon, si je n'avais pas été présent, l'exposition d'Amphion n'aurait pas pu présenter mes livres. J'aurais été perdu, à New York! Certains disent même qu'après les élections ce sera le chaos, aux Etats-Unis, je vais donc attendre d'avoir réglé toutes mes affaires en Savoie, et d'avoir peut-être acquis de bons points pour trouver un bon emploi, un emploi à visa, pour aller aux Etats-Unis de façon plus ou moins longue.
On trouve sur le site de la mairie de Publier toutes les indications nécessaires à la visite de l'exposition sur les Savoyards de la Pampa!
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