Un autre article dans le Dauphiné libéré, insistant sur la nécessité de l'art à côté de l'ingénierie
A l'heure où on peut suivre les publications incessantes d'Elon Musk et sa glorification des ingénieurs, des fusées, des prouesses techniques, je salue l'article qu'Olivier Lestien a consacré à mon livre sur les Etats-Unis: il a remarqué une idée qui m'est chère, et qui est peut-être le fond de l'ouvrage. Il s'agit de celle-ci: on peut admirer les réalisations des ingénieurs, incroyables aux Etats-Unis, mais l'avenir appartient à ceux qui sauront leur adjoindre l'art - qui sauront exiger, des bâtisseurs de gratte-ciel, des matériaux nobles et des architectures belles, et des statues, et des tableaux, et, à côté du récit mécaniste de l'évolution, saisir, dans des formes d'épopées, l'esprit des temps qui s'insère dans l'histoire. Si cela limite l'activité d'ingénierie, si cela la freine, cela ne saurait l'arrêter, pour commencer. Et qui est pressé? Elle n'est pas mauvaise en soi. Juste, elle déséquilibre l'évolution humaine en la soumettant à l'esprit mécaniste, qui n'est pas le seul qui existe. L'être humain, lui-même, n'est pas une simple machine, il a un cœur. Et une forme que lui donne la nature, et qui est assez active pour refermer ses plaies, quand la machine doit passivement être réparée, parce que l'homme n'a jamais pu saisir une forme active dans la nature, mais impose au coup par coup la forme conçue par son intelligence. Ce qui est beau en soi, je le répète: mais, contrairement à ce que croit quelqu'un comme Elon Musk, ne saurait suffire. Il y a du mystère, dans le vivant dont la forme s'autonomise et agit d'elle-même, et c'est ce mystère que restitue, au-delà de la raison appliquée à la matière, l'art en général et la poésie en particulier. Olivier Lestien est correspondant de presse à Samoëns, dans le département français de Haute-Savoie - anciennement dans la province du Faucigny du duché de Savoie. L'article est paru un dimanche: un collègue qui avait acheté le journal m'en a donné la coupure. Il faut cliquer pour l'agrandir.
On remarquera qu'il est annoncé, à la fin, que je donne prochainement une conférence sur Alphonse de Lamartine et la Savoie, telle qu'elle apparaît dans son grand poème de huit mille vers Jocelyn, paru en 1836 et qui eut beaucoup de succès. Le personnage principal est censé être curé en Savoie d'un village appelé Valneige, On apprendra, bientôt, qu'il était l'ultime incarnation d'un ange tombé du ciel: il en sera question deux ans plus tard dans l'épopée cosmique de La Chute d'un ange, qui cette fois n'eut aucun succès, et dégoûta Lamartine de la poésie. Cet ange est tombé au Liban, où la tradition de son histoire aurait été conservée par les chrétiens maronites: c'est ce qu'affirme Lamartine dans le prologue. Ensuite, sous sa forme humaine, il a une force herculéenne et il renverse un empire immonde, pervers et satanique. Il le fait par amour. Plus tard, donc, il finira son cycle d'incarnations en Savoie: les montagnes libanaises l'ont vu apparaître sur terre, les montagnes savoisiennes l'en ont vu s'en aller à jamais. Lamartine voulait cette évolution. On ne le lit plus assez. L'ange Cédar tombé du ciel est le seul vrai surhomme de la littérature française, le premier surhomme peut-être de la littérature moderne. Son premier héros, au sens de super-héros. Et quoiqu'en Savoie il ait perdu l'essentiel de ses pouvoirs surhumains, il reste un ange, prêt à se sacrifier pour l'amour, et Dieu, et la beauté et l'éternité du monde spirituel. Il a moins pensé à créer des fusées qu'à contempler l'image de celle qu'il aime et qui, morte, s'est confondue avec la divinité! Il a pensé que cela aussi lui ferait aller sur Mars, Vénus, et au fond des étoiles! C'est l'autre chemin, et les fusées d'Elon Musk ne suffiront pas: j'en suis persuadé.
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