
Sur un autre blog, j'ai commencé un récit en feuilleton
sur un certain Ramiel de Saint-Génys, poète maudit de la cité de
Genève. J'ai laissé cet autre blog, pour des raisons techniques et morales: le
propriétaire de la plateforme détestait tellement François de Sales qu'il a
supprimé un article où je tendais à faire son éloge. J'ai pensé que continuer à
publier sur cette plateforme était inapproprié, et qu'il fallait m'en remettre
à une plateforme qui ne mettait, à la liberté d'expression, que les
restrictions ordinaires, inscrites dans la loi - de préférence américaine, car
en France on prétexte volontiers toute sorte de règles de bienséance pour
limiter par surcroît la liberté, en particulier lorsqu'il s'agit de culture
dite religieuse. Cela ne date même pas de la République, comme on s'imagine
naïvement, on reprochait déjà à Pierre Corneille de placer, avec Polyeucte,
un sujet religieux sur la scène profane. C'est une vieille habitude française,
qui émane plus probablement de la monarchie absolue et de l'idée que seule la
vie politique contient une substance sacrée: interdit, donc, de lui faire
concurrence ailleurs, notamment en poésie.
On sait que les Etats-Unis se sont bâtis sur l'idée qu'au
contraire la vie religieuse devait être libre de la vie politique, puisque les
Dissidents anglais du Mayflower avaient fui l'Angleterre pour
ne pas avoir à se soumettre, en termes religieux, au roi de leur pays. C'est
pour moi une bonne idée, et j'approuve la tendance de la culture populaire à se
relier libéralement au merveilleux biblique, comme dans les films Ben-Hur, Samson
et Dalilah ou Les Dix Commandements, par lesquels j'ai
découvert l'existence de cette sorte de mythologie juive. N'ayant reçu aucune
éducation religieuse, je m'y suis intéressé après avoir vu ces films.
J'ai bien fait, elle est belle et passionnante. Elle a
d'ailleurs été à la base du merveilleux romantique français: Lamartine en était
fou, et s'en est inspiré dans Jocelyn et La Chute
d'un ange, Hugo dans La Légende des siècles et La
Fin de Satan, Vigny dans Eloa, et combattre le merveilleux
biblique est combattre l'essence de la culture française. Même La
Chanson de Roland, l'Athalie et l'Esther de Racine
sont incontournables. L'Histoire des Francs de Grégoire de Tours,
fondement de notre mythologie, se posait également comme une suite de la
Bible.
Bref, le rejet de cette mythologie n'a aucun sens, si
bien sûr on a le droit d'en aborder d'autres; mais rejeter celle-ci revient en
réalité à rejeter le mythologique en essence, quand on est français. Même mon
personnage de Captain Orient, républicain et progressiste mais
mythologique, a été pour cette raison désavoué.
Le rejet du merveilleux, André Breton, en a parlé, est
une maladie. Qui n'atteint pas les écrivains genevois au même degré que les
écrivains parisiens, et c'est pourquoi je raconterai aujourd'hui le sixième
épisode de la Vie de Ramiel de Saint-Génys. Comme j'ai changé de
blog, je place, en annexe, les épisodes précédents, du premier au
cinquième.
(Cherchant à raconter comment j'avais rencontré le défunt
Ramiel de Saint-Génys, je disais donc, la dernière fois, que j'avais participé à un
salon du livre en Haute-Savoie auquel il avait participé aussi, et qu'il
m'avait demandé ce que je vendais.)
Ramiel de Saint-Génys répliqua : « Moi, je
n'écris que de la poésie mystique, et aussi des essais, qu'on peut bien
qualifier de métaphysiques ! J'ai été également professeur d'anglais et de philosophie.
D'anglais en France, de philosophie en Afrique du Sud !
« Et j'ai fondé une école de philosophie, appelée l'Essentialisme –
en opposition à l'Existentialisme de Sartre, que je hais. Qu'en
pensez-vous ? »
Cela avait dit comme un bloc, à la façon d'un morceau de
tomme bénie envoyé à la face de Voltaire par mon cousin de Samoëns Jean-Pierre
Biord - chef du diocèse de Genève dont dépendait Ferney. Je le regardai, me
demandant ce que je devais répondre. Et je finis par dire : « Oui,
j'ai lu Sartre, sa philosophie était parfois détestable. »
Heureux de la réponse et s’échauffant, il évoqua la société
littéraire à laquelle il appartenait à Genève, loua les séances qu’on y tenait,
et m’encouragea à l’y rejoindre. Je le fis, par la suite.
Nous y effectuions de petites conférences sur des poètes,
des philosophes, des faits d'histoire, d'ouvrages divers, de sujets occultes et
rares – comme le pouvoir des pierres sur le corps, ou les légendes de Savoie,
de Suisse et de France –, et éditions une petite revue marquée au coin de
l'idéalisme philosophique, et du conservatisme politique. Cela n'avait rien de
méchant, mais un jour, Ramiel tint à m'inviter à boire un café aux Armures,
comme on appelle un restaurant de la vieille ville genevoise, afin de me parler
d'un sujet très spécifique, dont il était convaincu qu'il m'intéresserait. Je
m'y rendis, et, après quelques échanges d'usage, il en vint au fait.
Il s'agissait d'un secret mystérieux lié à Rennes-le-Château
et à la lignée supposée de Jésus par les mérovingiens. Il avait lu le livre de
Henry Lincoln et croyait dur comme fer à la réalité de ce qu’on y disait. Mais
il y avait plus : cela lui avait donné l’envie, à l’image de Pierre
Plantard, l’Annemassien qui avait renseigné Henry Lincoln et avait affirmé
descendre de Mérovée, de mieux connaître sa propre généalogie. Et voici, il me
montra un arbre, représenté sur plusieurs feuilles collées entre elles, le
faisant remonter à Mithridate, le roi perse dont déjà Odin, selon la légende,
tenait son épée !
Je feignis de m’étonner. Et d’y croire : d’être
émerveillé par cette noble ascendance. Par elle, disait-il, il descendait des
rois germaniques, et notamment de Gondebaud, qui avait régné à Genève. Je lui
parlais des ducs de Savoie, qui s’étaient présentés comme les successeurs et
les héritiers des rois burgondes, éteints avec la lignée franque issue de
sainte Clotilde nièce de Gondebaud, puis avec Rodolphe III le Guelfe, qui avait
laissé son royaume à l’empereur Conrad. « Des faussaires ! »
s’exclama-t-il. « De simples usurpateurs ! La vraie lignée burgonde
débouche sur les Saint-Génys, comtes de Chêne et Bougeries, près de
Genève. C’est là qu’elle a survécu. »
Pensant rire un peu, et alléger l’atmosphère lourde
d’implications personnelles de telles révélations, j’évoquai l’héritier des
ducs de Savoie qui avait une statue à Bonneville, où nous nous étions
rencontrés : elle se tient sur une colonne dite trajane, de l’autre côté
de l’Arve, et sur le socle on voit une nymphe, la déesse de l’Arve, que le roi,
doué de pouvoirs magiques comme jadis Salomon, était parvenu à enchaîner :
la chaîne lui tenait la cheville. Et l’on sait que Salomon commandait aux
esprits et les enfermait dans des pierres. Le Coran même en parle. Et je me
suis dit à lui dire, à Ramiel, qu’une tradition mystérieuse existait, selon
laquelle cette statue était animée, en secret, par l’esprit de la pointe
d’Andey, une montagne qui se trouve au-dessus, et qui est le génie du Faucigny
même, l’ancienne province savoisienne émanée du comté de Genève à l’époque de
l’empereur Frédéric Barberousse. On voyait, la nuit, comme en rêve, la statue
se détacher de sa colonne, venir flotter doucement dans l’air au-dessus de
Bonneville, qu’elle protégeait, et diffuser, de sa main argentée et tendue, une
sorte de pluie d’étincelles silencieuses, mystiques et belles, qui tombait
ensuite sur les fronts des dormeurs. Ainsi leur parlait-il en rêve, inspirant
les Bonnevillois, et les guidant en secret.
Ecoutant mon histoire, Ramiel de Saint-Génys devint rouge de
fureur. Il croyait que je me moquais de lui. Mon histoire lui paraissait trop
fantastique pour être sérieuse, alors qu’il prenait complètement au sérieux la
sienne. Mais le double de la statue, comme forme, pouvait réellement seulement
moi accueillir les rayons de la bonne étoile de Bonneville : c’est un
mythe à l’ancienne à laquelle je ne crois pas impossible de croire, même si le
merveilleux en est choquant. Que prouve, à l’inverse, le conte d’une ascendance
burgonde ? Genève est une république, la France aussi, cela ne donne aucun
droit particulier.
« Et Israël ? », me demanda Ramiel en rage.
« N’y a-t-on pas utilisé la Bible pour créer un Etat ? Je peux créer
moi aussi un Etat, à partir de ma généalogie, ou en tout cas la faire valoir
pour être plébiscité et porté à mon trône légitime, même sous les couleurs
d’une république factice et faite pour flatter le populaire, à la manière du
général de Gaulle, vrai roi nouveau de la France éternelle ! » Je
répondis que rien n’était plus vrai. Son mythe avait une portée politique, le
mien n’en avait pas, c’est ce qui donnait au sien cet air si sérieux, si
authentique, si vrai, et au mien l’allure d’une fantaisie sans fondement,
détachée de tout réalisme et de toute intelligence évoluée.
Je l’approuvai donc, avouant que j’avais voulu plaisanter,
et jurant que je ne le ferais plus, et il s’apaisa. Et alors, il me révéla
autre chose, dont je parlerai une fois prochaine.
Annexe : les épisodes précédents
Episode 1.
Né le 31 mars 1949 à Genève, Ramiel de Saint-Génys est apparemment mort dans d'atroces
souffrances le 2 août 2013 dans la localité limitrophe de Chênes-Bougeries.
C'est en tout cas ce qu'a pu établir la police: on ne l'a retrouvé que plusieurs semaines après le
décès dans son appartement du quartier de Paumière. La médecine légale a indiqué le jour
probable, en conjonction avec les témoignages des voisins et la relève du courrier. Y compris
électronique: son ordinateur a pu être ouvert.
L'idée d'atroces souffrances ne vient cependant pas du rapport officiel : mais de l'expression de
terreur que les policiers globalement lui ont vue, et ont évoquée en privé, et qui les a, eux-mêmes, épouvantés, et profondément marqués.
Près de son corps une liasse remplie de son écriture irrégulière avait dispersé ses feuillets,
montrant probablement une chute. L'écriture en imitait artistiquement la calligraphie ancienne,
comme si l'auteur avait voulu s'en rêver moine féodal, ou chevalier instruit. Ramiel de Saint-Génys était romantique. Il se représentait lui-même amoureux, galant, hardi, croisé, poète, sage
et philosophe. Il n'en est pas moins mort célibataire après n'avoir publié que quelques livres peu
lus, dont un recueil de poésie assez abscons, payé par lui-même et dans lequel il essayait de
matérialiser en vers libres son propre mythe.
En regardant attentivement ce qu'il écrivait sur la liasse de papiers, on reconnut des arbres
généalogiques interminables, qui le faisaient remonter, lui, Ramiel de Saint-Génys, à des héros antiques, Mithridate ou Ramsès II, et même Noé, le béni de la Bible. Certainement, il plongeait
ses racines parmi les géants de la Genèse, si on lui avait demandé. On ne sait où il avait trouvé
les informations lui permettant d'aller aussi loin, mais les chroniques médiévales ne manquaient
pas, qui établissaient de tels lignages. Et il se pensait issu de grandes maisons nobles
européennes.
L'autopsie ne permit de rien découvrir d'autre qu'une crise cardiaque. Il était mort de mort
naturelle, à seulement soixante-trois ans. Rien n'expliquait l'expression terrible de son visage,
que les employés des pompes funèbres eurent quelque difficulté à faire disparaître.
Né d'une mère genevoise, il avait un père lorrain de religion protestante qu'il n'avait guère
connu: tandis qu'il vivait officiellement à Genève, ses affaires le ramenaient constamment à
Nancy, et il laissait derrière lui sa femme et son enfant, sans en réalité sembler trop en souffrir,
malgré ses protestations apparentes. Bientôt Madame soupçonna des maîtresses, une vie en
doublon, et finalement Monsieur mourut dans un accident de voiture, alors qu'il revenait à
Genève par Bâle : il eut une sortie de route près de Soleure, le véhicule se retourna, et le front
du conducteur vint se briser sur le pare-brise alors qu'il était brutalement éjecté de son siège.
On l'annonça à Madame, qui poussa des cris, mais l'oublia quelque temps après : l'éducation
de son enfant l'occupait complètement. Elle l'adorait. Le prenait pour un génie. Flattait son
talent d'écrivain, de poète, d'artiste des mots.
Elle avait toujours aimé lire. En particulier, la Bible. Et quelques ouvrages protestants de bonne
tenue, et les auteurs genevois, Rodolphe Töpffer, Jean-Jacques Rousseau, Henri-Frédéric
Amiel. L'écoutant lire à voix haute, Ramiel mêla très tôt la culture classique et le vocabulaire de
la Bible à ses sentiments personnels : la lecture de Senancour, que la mère appréciait, l'y aida
beaucoup. Elle était folle : souvent elle posait le livre, et disait avoir des visions.
Elle rêvait d'un
avenir fabuleux, ou de vies futures, après une renaissance, ou de ses vies passées, avant une
précédente mort. Elle avait bien des histoires à raconter et, ne s'apercevant pas du décalage
qu'il y avait entre sa vie présente et les vies formidables qu'elle s'inventait dans le passé ou
l'avenir, elle réécrivait, de cette sorte, jusqu'au présent. Quiconque l'aurait entendue raconter
qu'elle était une reine d'Orient dans une précédente vie aurait pu lui demander : Mais quel
péché avez-vous commis, pour que vous vous retrouviez mère de famille célibataire dans une
ville de la banlieue genevoise, avec juste une pension de veuve pour survivre ? C'est
néanmoins ce qui ne lui sautait pas aux yeux : elle songeait seulement à sa grandeur,
manifestée par ses autres vies, dont l'imagination effaçait celle-ci, triste et prosaïque.
Ramiel en
était impressionné, et vivait dans ces images héroïques, se pensant promis à un grand destin,
comme d'ailleurs sa mère le lui disait. Elle vivait son futur de rêve à travers celui de son fils,
qu'elle espérait plein de merveilles. Pour elle, elle sentait que peu d'occasions se
présenteraient. Mais pour son fils, elle n'entrevoyait qu'un futur infini, qui jamais ne s'arrêterait.
Elle ne songeait pas que lui aussi mourrait un jour : cela lui était impossible. Elle le croyait,
d'instinct, immortel. Sa vie, dans son imagination, s'étirait dans l'horizon au-delà de la terre
même, le long d'une ligne droite qui se fondait dans les étoiles. Lui, l'écoutant, se rêvait pilote
de vaisseau cosmique.
Episode 2.
Comme, dans les récits de sa mère, le passé et l'avenir s'annulaient, se confondaient, s'assimilaient, créant l'image d'une éternité immobile, et qu'elle lisait abondamment la Bible, Ramiel l'entendait parler des habitudes hébraïques de l'antiquité comme si elle les avait connues dans son enfance. Et il s'en enthousiasmait, même si ses camarades à l'école se moquaient de lui, quand, d'une manière ou d'une autre, il y faisait allusion. Ils raillaient, sans en être totalement conscients, les différences manifestes entre le texte sacré et les mœurs des Genevois modernes – et, quand il parlait de vierge offensée, ils éclataient de rire avant de s'en aller caresser et pincer les fesses de leurs amies – la mixité ayant donné, alors, le sentiment que tout était permis et les filles, gardant l'habitude antérieure de la soumission, n'osant répliquer à leurs insolences.
Comme Ramiel semblait très amoureux d'une camarade ravissante, qui avait un amant parmi les élèves du gymnase, un jour un garçon l'emmena dans un coin sombre de la salle de sport, lui disant que cette fille voulait lui montrer quelque chose – lui communiquer un message spécial. Or, quand il arriva, Ramiel vit en pleine action cette fille avec son amant – qui, en le voyant, se mit à rire, tout en continuant ses mouvements voluptueux. La fille honteuse cachait son visage sous ses cheveux.
Ramiel s'enfuit en courant et en pleurant. Il lui semblait que cette fille était humiliée, mais elle avait gémi comme si elle aimait cela, et cela le torturait. Il ne comprenait pas. Elle lui avait semblé si belle, si pure, si semblable aux filles de Sion chantées par le roi David, et dont on ne sait si elles étaient un chœur naturel, physique, ou des fées de la montagne veillant sur le royaume – ou les deux, comme les apsaras d'Asie, à la fois des nymphes du ciel et des danseuses royales ! C'est ce qui est le plus probable, mal gré qu'en aient les rationalistes, y compris parmi les rabbins. En tout cas la pureté de cette vierge lui semblait refléter le ciel dans sa splendeur cosmique et étoilée, et voici qu'elle était soumise aux marques de la plus basse bestialité, aux tentacules surgis et apparus de la terre, des gouffres. Quelle horreur, dans son esprit naïf !
Accablé, désespéré, anéanti de douleur et d'incompréhension il décida finalement de se consacrer à la seule vie culturelle, redoublant d'efforts dans son travail, et commençant à fréquenter les musées de la ville. Or, la Maison Tavel contenait un tableau qui le fascinait. On y voyait des anges volant au secours des Genevois contre leurs ennemis savoyards lors de l'épisode de l'Escalade. Il se souvint de l'hymne national genevois, en langue locale : on y voyait évoquer Dieu protégeant la cité de Calvin des païens se prenant pour des chrétiens – les aimant d'un amour tout particulier, comme s'il avait déposé dans leur cité sa lumière, sa grâce.
De toute éternité, ou au moins depuis la venue de Calvin, il avait regardé Genève d'un œil tout spécial, la préférant désormais à Rome et même à Jérusalem. Les chroniques de Genève, écrites par François Bonivard et qu'il commença à lire, faisaient ainsi naturellement et souplement suite à celles de l'Ancien Testament, et l'univers psychique de l'un s'accordait parfaitement à l'univers psychique de l'autre : en fait c'était le même. Il y avait avant tout, là, continuité ! Genève, oui, Genève était la nouvelle cité d'élection de la Terre !
Et c'est dans cette sainte atmosphère, ce réseau de souffles mystiques que grandit Ramiel de Saint-Génys, dans les décennies qui avaient divisé le vingtième siècle sans heurts majeurs, les guerres mondiales n'ayant emmené aucune bataille sur le sol genevois !
Pourtant, à son enterrement – où je me suis rendu –, le pasteur ne fut pas tendre. Il eut des mots durs, pour le malheureux défunt. Dans les dernières années de sa vie, Ramiel de Saint-Génys, enfoncé dans son rêve de grandeur et d'élection genevoise, en même temps qu'aigri par ses échecs personnels, ne cessait en effet de s'en prendre à des gens abstraits, des communautés qu'il accusait d'avoir fomenté ses insuccès, et le déclin immérité de la plus belle ville du monde. Il se pensait victime de complots, et pensait telles toutes les bonnes personnes de la cité, qui avaient (contrairement à lui) cédé aux sirènes d'un faux progrès dissolvant, et en proie avant tout aux cupidités individuelles des parvenus. On n'avait pas reconnu sa grandeur, parce qu'on ne voulait pas que la véritable noblesse s'impose ! On voulait seulement de la puissance marchande, de la gloire et financière, ce genre de choses !
Episode 3.
On connaît tout cela. Un autre puissant Genevois, Guy de Pourtalès, avait évoqué la dissolution de l'ordre social, dans son beau roman de La Pêche miraculeuse, et le sentiment que cela s'accompagnait d'une dissolution de l'ordre moral. Mais ce grand écrivain, dans son beau livre à la grandeur méconnue, avait vu plus loin : il avait compris que les temps nouveaux étaient christiques – d'où le titre, allusif à un tableau de Konrad Witz qui, commandé par le duc de Savoie Amédée VIII, montrait le Christ marchant sur les eaux du lac Léman.
De même que Genève, loin de Jérusalem, de Rome, de Paris, pouvait accueillir le Christ glorieux, de même, l'époque moderne, aussi dégénérée fût-elle en apparence, pouvait l'accueillir aussi – puisque rien ne se faisait sans lui. Le but de l'initié n'est pas de juger des temps et des lieux, des cités et des peuples, mais de saisir le message céleste qu'ils reflètent, toujours. Et Pourtalès, choisissant l'optimisme et la foi, pensait que la relativisation des religions réconciliait les deux rives du Léman – la Savoie et la Suisse, le catholicisme et le protestantisme, les deux pans de la tunique sacrée ! Car il a aussi écrit un livre appelé La Tunique sans couture, allusive à celle de Jésus-Christ : elle avait été déchirée, disait-il, par le grand schisme, et le Léman devait être son raccommodage. Il chantait François de Sales, évêque de Genève exilé à Annecy, comme « le bon évêque des fleurs », et en voyait encore l'ombre éternelle circuler dans les forêts touffues de la rive savoyarde du beau lac. Il espérait que, à l'inverse, les Savoyards regardassent Genève, Lausanne et Neuchâtel comme l'épanouissement de leur âme propre sous un certain angle. Car, au-delà des temps, il conservait le regard braqué sur le royaume de Bourgogne, comme les Suisses initiés qu'étaient Charles-Ferdinand Ramuz, Gonzague de Reynold, Richard Pasquier, Charles-Albert Cingria, Henri-Frédéric Amiel – et comme les Savoyards éclairés qu'étaient Jacques Replat, Léon Ménabréa, Antoine Jacquemoud, Claude-Antoine Ducis, Maurice Dantand, Jean de Pingon.
Chez Ramiel de Saint-Génys, la constatation de l'écart entre l'imaginaire légendaire propre à Genève, nourri de figures bibliques, et la réalité contemporaine, avait au contraire suscité incompréhension et colère – hostilité à l'égard des temps neufs. Il n'avait pas su dépasser l'opposition entre le passé imaginé et le présent vécu, et cela s'était tourné en dépit, en rancœur, en rejet du monde et de son créateur, voire l'humanité en général.
Certes, par principe, il continuait à se dire croyant. Il le faisait pour rester fidèle à la foi de ses ancêtres, et au temps où Genève était une ville radieuse, élégante, raffinée. Mais il ne croyait plus en un dieu agissant, puisque le monde était pour lui fait de gens agissant contre Dieu. Son dieu à lui était une idée immobile, brillant d'un éclat figé dans le ciel des idées, sans scintillement, sans chaleur propres, mais à la façon d'une gravure qui ne s'éclaire que si on lui impose une lampe. Il vénérait des symboles morts – et parlait mystérieusement de la franc-maçonnerie, comme si elle avait, peut-être, conservé la force originelle des symboles qui sous ses yeux fatigués ne s'animaient plus. Il aurait bien voulu en faire partie, mais à condition qu'elle honore tout particulièrement les emblèmes éternels de la Genève calviniste. Il regardait, en soi, la statue aux yeux clos qui servait à la cité de Calvin de tutelle, l'ange pétrifié de la belle ville lacustre, et il le vénérait sans expliquer son immobilité autrement que par la faute d'autrui – et sans voir que, derrière, une forme plus chatoyante, à l'allure de déesse (de déité allobroge), était encore animée, luisante, et que l'éclat de la statue chrétienne ne pouvait être rétabli qu'en fondant les deux. Qu'il n'y avait même là rien de païen, de sacrilège, que c'était bien ce qu'avait voulu le Christ en marchant sur les eaux du Léman, chez Konrad Witz : être porté par la fée au visage de cygne qui anime les eaux du lac, dont elle était la déesse. Elle l'avait porté, et volontiers, et le Christ lui en avait marqué de la reconnaissance. Par elle la statue de l'ange pouvait ouvrir ses yeux de diamant, et les faire briller à nouveau sur les hommes !
J'avais quelque temps fréquenté Ramiel de Saint-Génys – tentant de lui expliquer ces choses. Mais il n'avait guère écouté : il avait peur, au fond, de devoir imaginer des entités agissantes hors de portée des hommes ; il les préférait comme symboles identitaires et communautaires, susceptibles ainsi de nourrir son amour-propre !
J'aimais, toutefois, ses références aux symboles genevois : ils attestaient d'une foi appréciable, si elle ne pourrait jamais à elle seule, sans doute, déplacer la moindre montagne ! Et puis il avait fait des recueils de poésie qui pouvaient s'avérer touchants. Indépendamment de l'illusion personnelle qu'une mythologie de soi représente toujours plus ou moins, j'aimais le merveilleux de ses allusions symboliques, croyant que celles-ci dévoilent toujours quelque chose du monde divin, même de façon très réfractée, très appauvrie. Ceux qui fulminent contre le merveilleux parce qu'il ne serait pas pur veulent en réalité le supprimer : car il n'est jamais pur. Il leur fait peur, et ils trouvent des prétextes.
Cependant, la déperdition des formes traditionnelles au profit du morcellement social désarçonnait les poètes qui, tel Ramiel de Saint-Génys, puisaient leur énergie créatrice dans l'adoration de figures qu'ils voulaient regarder comme absolues et éternelles. Et comme un esprit vivant, mais inconnu et angoissant modelait, détruisait, reconstruisait, dissolvait, ressuscitait sans fin les vieilles formes, finalement Ramiel préférait vénérer les dieux morts qu'étaient les idées qui personnellement lui faisaient plaisir – parce qu'ils s'y sont habitués, souvent depuis l'enfance, sous l'influence plus ou moins consciente de leur mère, de leur père, d'oncles et de tantes à demi oubliés.
Episode 4.
La mort de Ramiel de Saint-Génys, quoi qu’il en soit, fut suivie d’un événement particulièrement pénible : son enterrement.
Loin de rendre hommage à ses qualités, le pasteur le crucifia. Ne tenant aucun compte de sa foi traditionnelle affichée, il condamna en termes explicites ses idées rétrogrades, dénonçant ce qu’il appelait son rejet de l’autre.
Il est vrai, je n’y prenais pas garde, les accusations de Ramiel de Saint-Génys contre ceux qui selon lui avaient détruit la belle civilisation protestante de Genève se concentraient souvent sur des communautés spécifiques, comme s’il fallait trouver un malheureux coupable. Nous avions eu bien des différends à ce sujet, et comme j’ai des origines juives je pouvais être suspect, mais il n’osait pas aller jusque-là : c'est interdit.
Il se vengeait sur les autres communautés - parmi lesquelles n’étaient pas vraiment les Savoyards non plus. (Car j’appartiens aussi à celle-là.) Il les méprisait, sans doute - comme arriérés et catholiques -, mais évidemment ses reproches portaient davantage sur des groupes d’origine plus éloignée dans l’espace.
Cependant, il ne s’y attardait pas tant, et il se déchaînait surtout contre les progressistes de l’école de Jean-Paul Sartre, le mainstream qui domine l’Occident et qui selon lui avait fait tout le mal qu’on voyait, avait vidé les vieux symboles de leur énergie initiale. Et apparemment, le pasteur en était passablement scandalisé.
Mais il y avait autre chose. Car voici que soudain, sa litanie de reproches s’arrêta.
Ayant annoncé, en effet, qu’il voulait donner un exemple de la mauvaise vie qu’avait menée Ramiel de Saint-Génys, il se mit à balbutier, avant d’être frappé de mutisme. Ses yeux, au souvenir douloureux, s’ouvrirent tout grands, regardant dans le vide un monstre effrayant. Puis, se reprenant et se râclant la gorge, il reprit son récit, la voix tremblante. Il avait les larmes aux yeux.
Et voici ce qu’il raconta : un jour, à sa demande, il s'était rendu chez lui. « Il m’avait appelé pour me dire qu’il ne se sentait pas bien, continua-t-il : qu’il avait peur. Et il voulait évoquer son salut, et les affaires de la religion. Je lui donnai rendez-vous, fis quelques courses, puis m’habillai, de façon appropriée pour la visite convenue.
« Comme c’est tout près j’y allai à pied. Je frappe, et j’entends une faible voix qui me dit d’entrer. Je pousse la porte, entre, et une odeur suffocante me saisit aux narines. Une odeur pleine d’effluves délétères, une odeur atroce, immonde.
« Vous savez que parfois quand j’ai des fortes émotions, je vois des choses… Dieu me fait la grâce de distinguer sa main et celle du malin derrière les apparences.
« Dans le couloir un peu sombre qui s’étendait devant moi, je distinguai, montant du sol, ou venant de la chambre au fond, une sorte de vapeur animée curieusement, comme si elle était douée de volonté propre. Elle était jaune, sale, immonde, et c’est d’elle que venait la puanteur. Et voici que, à la hauteur d’un homme petit, je vis deux yeux ronds et gris qui me regardaient, dans cette vapeur : et ils étaient braqués sur moi. Cruels et narquois, ils étaient remplis de malignité et de moquerie - étaient véritablement émanés de Satan.
« Je prononçai quelques mots de conjuration que mon vieux maître, professeur de théologie à l'université de Lausanne, m’avait appris dans ma jeunesse, et fermai les yeux, attendant leur effet.
« Quand je les rouvris, la vision avait disparu. Mais la voix de Ramiel de Saint-Génys se fit entendre à nouveau, faible et chevrotant : elle venait de la chambre du fond. M’armant de courage et me pinçant le nez, j’avançai. Ce n’était pas la première fois que je me rendais chez des gens dont la situation était difficile, au seuil de la mort et isolés, mais cette fois, je sentais que quelque chose de tout particulier était en jeu - une présence spécifiquement démoniaque. Une idée profondément abjecte, un concept affreux s’était emparé de l’âme de ce pauvre homme, puis l’avait corrompue et déviée de sa vocation première - qui est, comme vous savez, de rejoindre Dieu en joie et dans la confiance.
« Arrivé à la hauteur de la chambre, je vis, par la porte ouverte, mon hôte affalé sur un gros fauteuil rouge, la chemise ouverte sur sa poitrine, et complètement habillé de vêtements qu’apparemment il n’avait pas changés depuis très longtemps : car l’odeur venait en partie d’eux, de la sueur et des déjections qui y avaient macéré.
« Ramiel de Saint-Génys me vit, me salua, et leva lentement, tremblant, la main vers la photographie encadrée d’une ravissante jeune femme blonde. Il me la montrait. "Regardez", me dit-il, "regardez, pasteur. C’est Anna, une Polonaise qui va venir me voir." Je levai les yeux au ciel, comprenant que le malheureux n’avait plus toute sa tête, et fis : "Oui ? Quand cela ?" Je voulais entrer dans sa folie pour l’amadouer et mieux lui venir en aide. "Dans deux jours", répondit-il. Je voudrais que vous nous mariiez.
« – Oui. C’est une bonne idée, répliquai-je sans y croire un instant.
« – Elle arrive, pasteur, elle arrive, je dois aller l’accueillir à l’aéroport. Regardez comme elle est belle. Toute la pureté de la vraie tradition se trouve peinte sur son visage. Ne trouvez-vous pas ?
« – Hem, fis-je. Dieu est dans toutes les âmes, quelle que soit la forme apparente qu’elles ont reçue de sa bonté", répondis-je.
Episode 5.
« Dès que j’eus prononcé ces paroles, Ramiel de Saint-Génys me foudroya du regard : ses petits yeux noirs furent fixés sur moi et s’il avait eu des pouvoirs spéciaux, par exemple la puissance du basilic, je crois bien que je serais mort sur place. Une flamme sombre se dégagea de son regard, dernière marque d’énergie avant sa fin. Le diable, assurément, la produisait : non Dieu.
« Or, derrière lui, précisément, s’écartant lentement, silencieusement du fauteuil, je vis une forme épouvantable, que jamais, de ma vie, je n’oublierai, oh, quelle horreur !
« D’abord des tentacules rouge foncé, presque noirs, se déroulèrent lentement, créant dans la pièce l’essentiel de la puanteur que j’avais d’abord attribuée à Ramiel de Saint-Génys lui-même – à tort. Comme dit Victor Hugo, il me semblait que ces bras ondoyants et épais, mous et longs s’arrachaient aux ténèbres en les matérialisant, en leur donnant corps. Je me mis à trembler de tous mes membres. J’aurais voulu crier, mais ne pouvais. Face à mes yeux écarquillés, les bras se déroulaient, lentement, lentement, inexorablement, s’étendant dans la pièce et vers moi, et une forme, celle dont les bras partaient, grandissait derrière le fauteuil pendant que les yeux de Ramiel de Saint-Génys, complètement fixes, continuaient à m’envoyer toute la haine dont l’enfer était capable.
« Et voici, derrière le fauteuil, comme se redressant, se dépliant, un véritable géant, dont la tête touchait au plafond, m’apparut, tel que jamais je n’eusse cru possible qu’il se cachât derrière un si petit fauteuil. Y avait-il une trappe, dans le sol de l’appartement ? Car nous étions au rez-de-chaussée d’un immeuble de treize étages. En tout cas, la tête énorme du monstre – car c’en était un – était munie d’yeux clignotants, perçants, entièrement rouges, et au nombre de six. Et ils me regardaient, calmes et fatals, dans un visage où je ne distinguais rien, sinon une grosse ombre épaisse, à peine matérialisée.
« Et désormais je voyais ses huit tentacules emplir toute la pièce, recouvrir le plafond, les murs latéraux, et m’entourer peu à peu. Je criai, et un charme fut rompu : je me retournai, et pris mes jambes à mon cou. Ou du moins, j’en eus l’intention. Mais soudain le sortilège s’empara à nouveau de moi : je ne pouvais plus avancer, mes jambes ne m’obéissaient plus.
« C’est alors qu’un miracle me sauva. On entendit la voix d’une jeune fille, entrée par la porte que j’avais mal refermée. « M. Sild ? » fit cette voix. « Êtes-vous là, pasteur Georges ? ». Les tentacules de ténèbres se rétractèrent, et je pus sortir de la pièce et crier : « Oui, Josette, oui, je suis là », comme un fou. Oh, non ! Oh, c’était si horrible. »
Or, pendant ce récit, ceux qui assistaient à cette cérémonie n’en croyaient pas leurs oreilles. N’osant pas interrompre le pasteur, certains avaient appelé le secrétaire du Consistoire, qu’ils connaissaient personnellement. Le téléphone retentit, dans la sacristie. Le pasteur sembla se réveiller d’un cauchemar : il sursauta, et alla répondre. On l’entendit bégayer des excuses.
Dans l’assistance, on s’épongeait le front, on se regardait avec terreur. Bientôt le pasteur revint, et éclata de rire : « Ah, je vous ai bien eus », dit-il. « Non, sérieusement, j’ai senti le mal durant cette visite, auprès de Ramiel de Saint-Génys, mais le monstre, évidemment, je l’ai inventé, pour vous représenter l’horreur du vice, la laideur de l’ignorance et de l’illusion démoniaque, oubliez cela bien vite ! » On trouva l’histoire de bien mauvais goût. Et comme j’avais connu Ramiel de Saint-Génys personnellement, j’y songeai longtemps. Car je devinai qu’elle était vraie. Quelque chose me le disait, que je n’eusse su définir.
Je résolus d’essayer de percer cette énigme, et de comprendre ce qu’était ce monstre, qu’avait vu le pasteur Georges Sild chez Ramiel de Saint-Génys. Il me rappelait bien des détails que j’avais aperçus chez mon ami, et que je n’avais pas compris sur le moment, voire auxquels je n’avais pas prêté attention.
Mais avant de vous raconter l’horreur que je découvris, l’abomination que je déterrai de l’inconnu à venir, je veux vous donner les circonstances qui m’ont amené à rencontrer Ramiel de Saint-Génys : elles ont leur importance.
Je l'avais rencontré dans un salon du livre en Haute-Savoie, la France voisine, alors que je tentais de vendre les premiers livres que j'avais faits dans l'entreprise fondée avec mon père à cette intention. Nous voulions rééditer les grands classiques de la littérature savoisienne, et je fus ainsi amené à participer à un salon du livre à Bonneville, dans la vallée de l'Arve, ville heureuse, parce qu'elle contient un bas-relief de la nymphe de la rivière jaune qui se jette à Genève dans le bleu Rhône – comme disait Victor Hugo: il a publié sur le sujet un poème, dans La Légende des siècles.
Passant devant mon stand, Ramiel de Saint-Génys, que je découvrais pour la première fois, s'attarda sur une réédition que j'avais produite d'une nouvelle de Xavier de Maistre. Il était plutôt petit, blond, portait de grosses lunettes et le teint très blanc, mais la peau plutôt molle, et tout de noir vêtu, avec une cravate rouge et une veste grise. Il me demanda si ce Xavier de Maistre avait un rapport avec Joseph de Maistre, l'auteur des Considérations sur la France, et je lui dis que c'était son frère. « Ah », fit-il simplement. « L'historien de la contre-Révolution.... Le philosophe catholico-martiniste... On ne l'aime pas beaucoup, parmi les élites françaises. » Je répondis : « Effectivement. » Il me regarda, sourit vaguement, et je crus qu'il allait partir. Des clients, assistant à notre conversation, venaient voir si mes livres étaient intéressants. Il me demanda si j'écrivais, moi-même. Je lui dis oui, des récits, des poèmes, souvent tendus vers le merveilleux, le rêve, le mythe, le symbole, l'idée pure. J'avais publié déjà quelques petits livres de cette veine. Et je précisai qu'en plus de l'édition je m'adonnai à l'enseignement, de temps à autre.
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