Un article sur le poète américain H. W. Longfellow célébrant la Savoie publié

Henry Wadsworth Longfellow est un poète classique américain dont certains décrient le manque d'originalité mais qui, dans son conservatisme relatif, s'est quand même montré révolutionnaire en intégrant la mythologie amérindienne à la littérature anglaise: il est l'auteur de l'épopée de Hiawatha, qui chante un héros iroquois dont les légendes orales se souvenaient, et il a, à cette épopée, donné une forme européenne, puisqu'elle est en anglais et imite le Kalevala finnois. Comme il était professeur de littérature à l'université de Harvard, J. R. R. Tolkien, lui aussi imitateur du Kalevala, et professeur de littérature à l'université d'Oxford, le citait comme un double. Charles Baudelaire, frappé par cette épopée, a essayé d'en donner une version en vers français qu'on a trouvée trop classique. 

Longfellow a également créé le mythe romantique et sentimental d'Evangéline, si fameux au Québec, puisqu'elle était une Française installée dans le Maine et persécutée par le pouvoir anglais. Dans le poème qu'il lui consacre, le poète américain se donne l'occasion de décrire avec beauté les Etats-Unis du temps. Il est donc emblématique, et il faut voir que l'originalité d'autres poètes plus célèbres les fait parfois côtoyer la folie, et ne crée pas, somme toute, de résultat artistique objectivement plus convaincant en moyenne. Avoir un grain de folie est bien, mais, comme le disait Horace, savoir ce qu'on dit aussi.

Bien sûr, Longfellow a été accusé de trop imiter les Européens. Il ne pratiquait pas assez un particularisme pouvant s'afficher comme supérieur, comme la technologie affiche l'Amérique comme supérieure. Mais mettre à jour et donner forme à la mythologie mohawk n'est pas imiter servilement les Européens. Il s'agit aussi de puiser dans une tradition continentale profonde. Il l'a fait en participant intimement à cette mythologie.

Dans sa jeunesse, il imitait, c'est vrai, davantage les romantiques européens de son temps, notamment les Français: dans la logique de Jean-Jacques Rousseau et d'Alphonse de Lamartine, il a commis un joli poème sur la Savoie qui a justement été pour moi l'occasion d'un article, publié dans l'édition 2026 de l'Almanach des Pays de Savoie (Arthéma). Il y peint des amours qui, dans le cher pays que j'habite, ne peuvent pas devenir réellement tragiques: un peu comme dans un célèbre poème de Michel Houellebecq, la Savoie y est une île possible, brillant suspendue au milieu du temps, où l'amour est facile, où tout est donné dans l'instant

Les poètes anglais, surtout à la suite de Rousseau, ont abondamment chanté la Savoie à cette époque: Percy Shelley, William Wordsworth, et même Samuel Coleridge, qui ne s'y est jamais rendu, mais qui rêvait sur les tableaux qu'on en envoyait en Angleterre. Longfellow se plaçait dans leur foulée, alimentant le mythe de la Savoie arcadienne que le prestige des Allobroges déjà entretenait, et que les engouements touristiques ne démentent toujours pas.

Je vous invite donc à lire cet article, et tout le reste, bien sûr, de ce magazine passionnant!

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