Captain Savoy et ses Captain-Skis, XI : la riposte de Captain Savoy
Captain Savoy, ayant déchaussé de son ski intact et du
fragment de ski brisé encore attaché à sa botte, s’élança de toute la vitesse
de ses propres jambes – et, de sa longue lance d’or, avant que l’Homme-Taureau (tout
occupé à son œuvre de meurtre de Captain Corsica) n’eût pu réagir, il le frappa
sur son poitrail, que recouvrait un haubert brillant.
Puis, ne lui laissant pas le temps de respirer, il se
retourna sur lui-même et donna un vigoureux coup de pied au menton de Fomal,
malgré sa très haute taille : si souple et puissant (si adroit, aussi)
était Captain Savoy, immortel ange de la Savoie !
Enfin, se rétablissant, il asséna un direct du gauche au long
museau de l’Homme-Taureau – et un bruit de craquement se fit entendre, car
Captain Savoy était champion à cet art martial qu’en Savoie seuls les initiés
connaissent ! Une troupe de guerriers secrets, jadis, en a fait son miel,
devenant les gardiens occultes du pays montagneux que nous aimons. Ils se vêtaient
en différents costumes emblématiques qui leur devenaient une seconde peau, et
subissaient une initiation rigoureuse, qui les mettait en relation avec les
esprits tutélaires de la Savoie. Chevaliers errants, ils passaient dans la nuit
comme des éclairs, et veillaient à la justice, combattaient le vice,
défendaient la vertu. Or, c’est Captain Savoy qui leur avait enseigné leur art
martial inconnu, et la technique des épées de feu, contre les démons de l’obscurité
et ceux qu’ils animent sans qu’on les voie. On les appelait les Chevaliers de l’Annonciade,
et celui qui les initiait en secret, dans l’intermonde situé au-delà des portes
du nôtre, était une ombre vêtue d’une armure d’or qu’ils appelaient saint
Maurice. Et un ange était derrière lui, lui donnant sa science et sa force, et
ils l’appelaient saint Gabriel, parce qu’il appartenait au rang de celui qu’ainsi
nommait la Bible : et c’est un fait que les anges d’un même rang, même
sans être identiques, partagent les mêmes pensées, qu’ils se les partagent
directement, sans avoir besoin de passer par la parole.
Cependant l’Homme-Taureau était pareil à un géant des temps anciens,
à un de ces Titans qui peuplaient le fond obscur de l’univers selon les vieux poètes ;
et, aux coups de lance, de pied et de poing de Captain Savoy, il ne sentit que
peu la douleur. Il leva la jambe droite et un coup de sabot fut donné à ce héros
qui ne fut pas loin de l’assommer pour le compte.
Il s’affala bruyamment, et le pont d’arc-en-ciel en trembla.
Et l’Homme-Taureau, dès lors, s’apprêta à bondir afin de retomber de tout son
poids, de ses sabots lourds et solides comme le plomb, sur le propre visage de
Captain Savoy, afin d’en finir définitivement avec lui.
Il plia les genoux, bondit, et eût accompli son intention intolérable
si, d’un bond, Captain Corsica, rétabli du coup qu’il avait reçu, ne l’avait
heurté de l’épaule et fait dévier de son but, le renversant et le laissant
brièvement les quatre pattes en l’air – tout en se mêlant à lui, à cause de son
propre mouvement. Et tout en roulant dans ses pattes lourdes de ses sabots de
plomb, il lui asséna au hasard des coups de poing, meurtrissant son visage et
faisant jaillir de son nez du sang en ruisseaux soudains.
Pendant ce temps Captain Savoy recouvrait son équilibre et accourait
à son tour vers le monstre. Il pointa le doigt qui, sur son gant blanc, tenait
l’anneau de saint Maurice, et un fil fin comme celui d’une araignée en sortit,
mais vert, luisant comme une émeraude qu’on eût effilée. Et voici ! il s’enroula
autour du taureau noir, enserrant ses pattes et se mettant autour de son cou,
le muselant et le ligotant sans rémission possible. Pendant ce temps Captain
Corsica continuait de le bourrer de coups de poing pour qu’il ne pût réagir et
empêcher cette œuvre de ligotage.
Mais il est temps, chers lecteurs, de renvoyer cette
histoire au prochain épisode.
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