Captain Savoy et ses Captain-Skis, épisode IV : une ruse de Captain Corsica pour aller plus vite !
D’abord, Captain Corsica, aidé de ses bâtons, eut le
meilleur. Mais bientôt Captain Savoy, plus accoutumé à l’air alpin que son
rival, le rattrapa.
Longtemps dès lors ils restèrent au coude à coude ; car
lorsque, du coin de l’œil, Captain Corsica voyait Captain Savoy à sa hauteur, il
redoublait d’efforts pour ne pas être laissé derrière, voire – il l’espérait –
pour reprendre l’avantage. Mais Captain Savoy, agile, rapide et fort, restait toujours
au flanc droit de son concurrent, trop vaillant coureur. Et en eux-mêmes,
quoique leurs visages fussent fermés et sévères, voici qu’ils riaient, ils
étaient heureux – si heureux de cette course !
Enfin, Captain Corsica vit les skis brillants de Captain
Savoy dépasser les siens, sur les courbes nuageuses. Or, cela le mit en
colère : si fier était-il, ce héros ! Alors il fit quelque chose
qu’il s’était juré de ne point faire avant la course : si enflammé de rage
était-il, face à l’idée de perdre la bataille !
Il invoqua, murmurant entre ses dents, les esprits de l’air
qui toujours le suivent et qu’il gouverne, et leur commanda de le pousser dans
le dos, en quelque sorte trichant – bien que les deux amis ne se fussent mis
d’accord au préalable sur aucun règle qu’ils dussent suivre. Cependant, ne
connaissant pas tous les pouvoirs secrets l’un de l’autre, un accord tacite avait
été passé, qu’ils n’utiliseraient que ceux qui pouvaient directement se
connaître, pour que rien ne restât caché qui pût être utilisé ensuite.
Quand Captain Corsica soudain précédé d’un grand souffle
d’air dépassa Captain Savoy, celui-ci comprit immédiatement ce dont il
s’agissait : car, initié, à son œil n’échappait pas le peuple des esprits
de l’air – surtout quand leur visage était clairement celui de la Corse. Et de
fait le souffle qui avait porté Captain Corsica en avant était plus chaud que
les souffles qui essuyaient ordinairement la Savoie.
Si vous pouviez voir, amis lecteurs, ce que l’œil de Captain
Savoy peut voir, quand il scrute les esprits de l’air, vous seriez épouvantés !
Bien des monstres que les poètes ont décrits (parfois en les plaçant, si
naïvement ! sur d’autres planètes) ont leur source dans le pressentiment
de ces créatures, à la forme monstrueuse et atroce. Car, dans l’air, la paix de
la terre n’est pas présente – ni sa mesure, son aplatissement vers des formes
claires et douces : facilement un esprit de l’air en colère prend la forme
d’une pieuvre immense, d’une araignée épouvantable, quand un autre esprit de
l’air, doux et calme, prendra celui d’un ange, d’une fée, d’un elfe chatoyant
de visage et de forme – d’une fleur de lumière, d’un papillon ! Car il en
est ainsi, chez le peuple des vents.
Et voici, Captain Corsica était porté par des monstres
innommables, planant invisibles dans le vent, parce que la colère de leur
maître de se voir dépassé à la course s’était transmise à leur forme. Ils
ressemblaient, effectivement, à de gigantesques araignées menaçantes, haïssant
la lumière, l’amour et la vie, emplissant le ciel de leur présence terrible.
Une ombre noire descendit sur la piste de nuages.
Et voici que Captain Savoy décida de lancer, de sa bouche
d’or, des traits de lumière cristallisée – autres êtres que lui gouvernait dans
l’éclat éternel des montagnes. Et les monstres d’ombre qui poussaient Captain
Corsica dans le dos furent dispersés par ces traits d’or, à la grande surprise
de leur maître ! Ils s’enfuirent en hurlant et en sifflant, devenant
semblables à des serpents pleins d’écailles qu’eussent portés des ailes de
feu : à l’œil de Captain Savoy (comme à celui de tous les initiés), ils
paraissaient tels. Ils avaient l’allure de ce que les hommes nomment une Vouivre.
Et les traits d’or partant de la bouche de Captain Savoy avaient l’allure
d’étoiles filantes !
Nous verrons une prochaine fois ce que fit alors Captain Corsica, une fois qu'il eut vu ses serviteurs aériens disparaître dans le lointain sous les assauts lumineux de son concurrent, Captain Savoy !
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