Captain Savoy et ses Captain-Skis, VI : histoire de l’Homme-Taureau dans sa prison du Môle
La frayeur des héros fut sans limite. Captain Corsica
demanda de qui il s’agissait, et si Captain Savoy le connaissait. Celui-ci lui
dit la vérité : « Sache, mon frère, cher Captain Corsica, que le nom
de cet être est Fomal, et qu’il a la forme d’un immense taureau, bien qu’il se
comporte en tout comme un homme. Tu comprends ce que je veux dire : tu
comprends de quel genre d’êtres je veux parler. Toi-même, m’a-t-on dit, tu
prends parfois la forme d’un milan noir, et moi, celle d’une vache rouge,
bondissant par-dessus les nuages, et même les montagnes. Mais, dans le cas de
Fomal, la forme bestiale est devenue la plus courante, si déchu est-il de sa
noblesse ancienne !
Il est né bien avant nous, et même bien avant que le premier
être humain fût sorti du rêve des astres. Quand il était jeune, la Terre
n’existait pas, elle n’était elle-même qu’une vapeur. C’est un être terrible,
et sa puissance est immense. Mais, voici ! il a élu domicile sur notre
globe – où des guerriers d’antan, notamment l’immortel Alar secondé de son
frère Vürnarïm, sur l’ordre de leur père Dordïn créèrent pour lui une prison,
appelée ordinairement le Môle. Ils le combattirent et l’y enfermèrent, pour le
faire cesser de nuire : le combat en fut formidable, résonnant dans le
ciel durant plusieurs de nos millénaires actuels, si haute était leur nature,
si grands leurs pouvoirs !
Les épées faites d’éclairs des fils de Dordïn foudroyèrent à
la fin ce monstre, qui fut précipité dans un abîme. Par-dessus fut bâti le
Môle, comme un toit à sa geôle. Vürnarïm, en particulier, lui donna la forme d’une
pyramide, mais le temps en a brisé les lignes jadis claires, et il a maintenant
la simple forme d’une montagne.
« Un ordre de guerriers fut fondé, pour garder cette prison.
Ils fondèrent une ville, recouverte à présent d’un lac. Car cet ordre se
dispersa peu à peu, les guerriers devinrent négligents, se mêlèrent aux ombres
de la Terre, perdirent les secrets de l’art ancien, leurs épées se ternirent, certains
même s’en furent vers la Lune, où ils rejoignirent mon beau-père le seigneur
Ordolün, ne pouvant plus rester sur une Terre déchue et salie, effondrée et
boueuse, ou friable ainsi que du sable : ils étaient, pour cela, d’une
origine trop haute.
« Sentant la surveillance sur lui se relâcher, Fomal
secoua ses chaînes de fer, les brisa lorsqu’elles furent assez rouillées, et
fomenta son retour à la surface et sur la Terre. Il se fit des disciples, parmi
les spectres, les ogres et les simples mortels, et put, par leurs efforts
conjugués, entrouvrir la porte de sa geôle : la résistance en céda, sous
ses coups répétés. Il put s’y glisser, et sortir quelquefois hors de sa prison,
bien que la surveillance d’en haut ne fût pas complètement éteinte. Et, de fait,
on me confia, à moi, la mission de le renfermer dans sa prison et de refermer
la porte ouverte dans les flancs du Môle – ce que je fis, combattant ce monstre
et le faisant fuir grâce aux armes magiques données par des anges, et m’appuyant
de l’épaule sur la porte je pus la clore et la verrouiller, puisqu’on m’en avait
brièvement confié les clefs, par l’intermédiaire en effet de mon épouse la
belle Idalïn, fille d’Ordolün et qui elle aussi vit sur l’orbe lunaire, mêlant
l’or à l’argent.
« Fomal cherche à se donner une puissance nouvelle, à
récupérer son trône ancien, en mordant le Soleil et en lui arrachant des morceaux
pour les croquer comme un croque des amandes, et se donner cette force perdue
au fil des éons. Il veut devenir le maître du monde, depuis le Môle transformé
en base arrière, en capitale de son empire à venir et, mon cher ami, génie luisant
de la Corse immortelle, je te demande de bien vouloir m’aider à l’en empêcher ! »
Quant à la réponse de Captain Corsica à cette demande, chers
amis lecteurs, il faudra attendre le prochain épisode, pour la connaître !
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