Captain Savoy et ses Captain-Skis

Je voudrais aujourd’hui revenir sur un héros que j’ai créé, Captain Savoy, et signaler au monde sa paire de skis magiques ! Puisse l’ange des poètes m’aider à vous dire ce qu’il en est – car il faut avoir son œil, pour dire ce dont il s’agit.

D’abord, il ne s’agit pas seulement de skis : Captain Savoy possède également une luge magique. On les appelle les Captain-Skis et la Captain-Luge, et avec ces objets merveilleux il accomplit dans sa vie bien des exploits !

Des nains, au service de la fée des Alpes, dans leurs officines les forgèrent, et voici ! ils ont, en eux, la puissance des étoiles, la force cosmique du ciel, le feu mystique qui leur permet non seulement de descendre, comme des skis et une luge ordinaire, les pentes enneigées les plus raides, mais également les airs froids, de telle sorte qu’on voit Captain Savoy fréquemment skier dans les airs, glissant sur des pentes invisibles – et même les remonter, car ils ont ce pouvoir ! Ils se mettent sur des courants d’air, et, laissant derrière eux des traînes d’étincelles, ils s’élancent avec lui dessus, ses bottes blanches solidement attachées aux planches d’or. Skiant sur les nuages, il se sert de sa lance comme d’un bâton, unique, à l’ancienne – même si, à de certaines occurrences, certains l’auraient vu diviser en deux, dans un éclair, sa lance cosmique, pour créer deux cannes effilées d’une longueur moins grande. Je ne sais ce qu’il en est, car l’ange qui m’inspire refuse de tout me dire, afin de ne pas rendre fou d’éblouissement mon pauvre esprit de faible mortel.

La luge de Captain Savoy est semblable – et ressemble au traîneau du Père Noël, sur le modèle de qui elle a été faite. Elle n’est point tirée, cependant, par des rennes, mais des chamois – et ces chamois d’une certaine sorte : car, tout semblables à de la lumière, ils filent et brillent comme les chevaux d’un manège enchanté, enfouis dans la mémoire d’enfance de nos plus nostalgiques vieillards.

Et comme la luge, bien qu’elle soit faite de matière essentiellement éthérique, reste plus lourde que les skis, Captain Savoy tend à l’utiliser pour remonter les pentes enneigées, ayant plus de mal à descendre par elle les pentes des nuages.

Il effectue, en tout cas, par sa luge et ses skis toute sorte de missions – s’en servant pour des secours, des messages, des combats, des interventions armées contre des bandits occultes, des monstres sataniques et des esprits horribles, qui parfois prennent la forme de bêtes de ténèbres. D’autres fois il s’agit juste de héros déchus, ou rivaux, d’immortels passés du côté du mal, des super-vilains, ou de véritables super-héros mais sur lesquels une incompréhension demeure – ce genre de choses. Il les combat, dans le but de laisser l’humanité souffrante libre de tout maléfice. Et, pour cela, il utilise son anneau, sa lance, mais aussi ses skis et sa luge ! On le voit remonter, en luge, les pentes enneigées et glacées des plus hauts sommets, pour affronter les dragons qui s’y tapissent – et alors c’est comme un serpent de lumière ondoyant le long des neiges entre les rochers noirs, glissant sur le visage reflété des anges, au sommet blanc des montagnes !

Ces reflets le regardent passer, et, presque muets, remuent leur bouche pour l’encourager, chuchotant au vent des hauteurs. Captain Savoy les voit, et passe.

Un jour, un jour, le héros de la Savoie libre attaqua un ogre qui vivait dans le grand rocher des Fiz, énorme et splendide – au-dessus de Sixt, dans la vallée du Giffre. En effet, ce roc abritait, autrefois, une glorieuse cité d’elfes – mais ils ont été assaillis et décimés, et des ogres ont pris leur place !

Captain Savoy, secondé d’elfes rescapés, parvint à les chasser, mais les lieux étaient désormais maudits, et les elfes s’en allèrent, gagnant soit, dans le ciel, l’arc de la Lune, soit d’autres forteresses secrètes de leur peuple invisible, sous le mont-Blanc notamment.

Captain Savoy, aidé de la fée du mont-Blanc, verrouilla la porte pour que les ogres ne reprissent jamais le château sublime des Elfes des Fiz, et ne s’emparassent ainsi des secrets qui y restaient tapis. Mais, après plusieurs millénaires, un groupe de cinq ogres parvint à se frayer un chemin, et Captain Savoy le découvrit quand il en vit quatre descendre du château abandonné pour envahir la vallée. Il les assaillit, les combattit, les prit, mais le plus dur restait à faire, car un ogre était resté à l’intérieur de la forteresse, pour la garder, et non seulement il s’avéra qu’il était le plus puissant des cinq, mais la forteresse était imprenable quand elle était défendue de l’intérieur.

Captain Savoy et ses elfes en firent le long siège, sans succès. En vain attaquèrent-ils à seize le château par plusieurs côtés : toujours l’ogre (qui se nommait Börolg, et prenait au combat la forme d’un énorme sanglier) parvenait à les repousser, les blessant, et même parfois les tuant.

A la fin Samawald, génie de la vallée du Giffre, arriva sur sa luge propre, entouré de ses nymphes guerrières : adoubé chevalier par la fée du mont-Blanc, il avait reçu une épée des anges, sur l’arc même de la Lune ! Ce renfort surprit l’ogre Börolg et Captain Savoy put s’en saisir, et le ligoter. Il lui mit des chaînes d’or, l’attacha sur sa luge, vola dans les airs comme un météore et le jeta dans les prisons profondes du Grand Bec, en Tarentaise, où veille son amie chère Tsëringmel.

Elle est déesse, au sens antique, et puissante : il n’y avait, de ce côté, rien à craindre !

 Dans sa grôle profonde du gouffre insondable l’ogre gémit, puis cessa de se faire entendre, demeurant muet. Les elfes dans le palais des Fiz revinrent, émerveillés de la science immense de leurs pères : tout y brillait, tout y éclatait, témoignant d’un art depuis longtemps perdu, quasiment digne des dieux ! Ils pleurèrent, voyant ce qui pour eux s’en était allé, mais décidèrent de laisser ce trésor dans son éternelle solitude, afin de ne pas tenter les forces noires, qui eussent pu vouloir s’emparer de ces merveilles : car elles avaient rendu puissant Börolg, et on avait manqué d’être écrasé par lui, et de le voir devenir le maître du monde ! De nouveau ils apposèrent un verrou à la porte, et chargèrent le veilleur Ostïnd d’empêcher quiconque d’approcher : on lui remit une armure, on lui confia une épée faite d’éclairs, un bouclier fait de vertus célestes, et on le laissa seul, ermite immortel ! C’était là sa mission, il ne s’en plaignit pas : il ouvrit les yeux, qu’il avait beaux et brillants, et il veilla.

C’est ce jour-là que Captain Savoy utilisa le plus glorieusement sa luge, et c’est pourquoi je voulais en parler. Quant aux skis, il les utilisa à une autre occasion, que nous dirons un autre jour, qu’on me pardonne !

Nota Bene : certains lecteurs m'ont fait remarquer que l'illustration choisie pour ce billet avait été créée par Jack Kirby, le célèbre auteur de comics, et qu'il s'agissait en réalité du Black Racer, qui vient chercher les âmes des mourants. On pourrait postuler que dans ses rêves l'image de saint Maurice a parlé à Jack Kirby: car ce saint était noir, et il est le patron de la Savoie. Assurément il est tout le temps à skis, assurément il vient chercher les âmes des Savoyards et lutte contre les démons qui veulent les emmener en enfer, car lui entend les emmener au paradis. Précisément, Captain Savoy est une nouvelle incarnation de saint Maurice. Et sans son masque souvent sa figure est noire, parce qu'on ne voit pas ses traits, étant faits d'éther pur. On ne voit que des étoiles, auxquelles son esprit est mêlé. Il a en effet une conscience cosmique. Son masque lui ramène un visage visible, cependant. Et la grande affaire de Captain Savoy est bien de passer à skis par-dessus les maisons de Savoie pour arracher les âmes aux ténèbres, et les emmener vers la lumière!

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